Bill Pronzini, connu pour sa série Nameless, débutée dans les années 70, autour d’un détective privé, est un de ces auteurs de romans noirs qui a énormément publié, avec du bon et du moins bon. Mademoiselle Solitude se situe dans la veine des textes « à part » de l’auteur, à l’instar du Crime de John Faith ou de Mercredi des Cendres. Il met en scène un homme discret, une ombre que personne ne remarque : Jim Messenger, petit comptable célibataire et tranquille de San Francisco dont le seul loisir est d’apprécier des morceaux de jazz. Attaché à ses habitudes, il dîne chaque soir dans un café où il croise une femme, elle aussi solitaire, qui mange toujours le même plat, ne parle à personne, et garde les yeux dans le vague. Rien de très attirant en somme, et pourtant elle le fascine. Il fait une tentative d’approche, mais en vain. Et puis un jour, elle disparaît. Jim ne parvient pas à la sortir de sa tête et se lance à sa recherche. Ce qu’il découvre devrait stopper net son enquête : elle s’est suicidée et, d’après la police, vivait sous un nom d’emprunt… À défaut de la retrouver vivante, Jim va pourtant chercher à connaître son parcours, le pourquoi de son suicide, d’où elle venait. Ce qui l’amènera dans un coin paumé du désert du Nevada, à deux pas de la vallée de la Mort, dans la petite ville de Beulah. En reconstituant son histoire, il se heurte à une communauté qui a exclu la jeune femme, persuadée qu’elle était coupable d’un double meurtre. Une communauté qui vit sous un soleil de plomb, complètement repliée sur elle-même, presque dans une autre époque. Mais Messenger, au nom symbolique, va malgré tout dissiper les mensonges… Les personnages de Pronzini, englués dans leur tristesse, leur mutisme, leur frustration, leurs peurs et leurs hantises, sont scrutés à la loupe. Et l’auteur, s’éloignant de romans noirs qui mettent en avant violence et crudité, de livrer un beau récit sur la solitude elle-même et ses affres psychologiques.
Lionel Destremau
Mademoiselle Solitude
de Bill Pronzini
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Frédéric Brument,
Denoël, 324 pages, 20,90 €
Domaine étranger Mademoiselle Solitude
novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148
| par
Lionel Destremau
Un livre
Par
Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°148
, novembre 2013.