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Domaine français La révérence d’A.M.

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Didier Garcia

Après Le Noyau de toute chose (2010), Hubert Lucot nous revient avec un livre grave, qui présente les derniers jours de l’aimée.

Je vais, je vis

Pour évoquer la disparition de leur compagne, Marc Bernard avait choisi le récit (La Mort de la bien-aimée), Michel Deguy le thrène (À ce qui n’en finit pas) et le peintre Bernard Dufour le journal intime (Le Temps passe quand même). C’est naturellement vers la forme journal qu’Hubert Lucot s’est tourné pour peindre la disparition d’Anne-Marie (A.M. dans les précédents volumes), une forme qui est la sienne depuis Phanées les nuées (autrement dit depuis 1981).
Je vais, je vis
étire ses méandres (c’est un livre lent, lourd et lent, riche d’une lourdeur qui tient du requiem) de l’été 2009 jusqu’au 26 août 2012, c’est-à-dire depuis les premières douleurs éprouvées par A.M. (douleurs dont l’étiologie sera connue dès mars 2010, quand les premiers mots seront lâchés : « lésion primaire du pancréas »), jusqu’à la pulvérisation des cendres de l’aimée dans l’océan Atlantique. À dater du mois de mars 2010, c’est donc « notre vie avec le cancer » que Lucot donne à lire, et dont nous allons vivre chaque étape : les séances de chimiothérapie, qui font alterner espoirs et angoisses (quand la chimie ne peut faire mieux que contenir la prolifération), l’apparition des métastases pulmonaires, les premières doses de morphine, et la paralysie des membres inférieurs. Entre deux examens médicaux, Lucot s’autorise des escapades, nous entraînant alors dans leur passé, ressuscitant quelques grands moments de leur histoire, lesquels, dans la trame de ce journal des années noires, constituent de belles pauses de lumière. H.L. se souvient voluptueusement d’A.M. durant ces jours où il commence à la perdre. Ce qui donne lieu à des phrases magnifiques, comme lorsqu’elle le rejoint dans sa chambre aux premiers temps de leur histoire : « le bruit d’un doigt coudé contre la porte hôtelière ouvrira la splendeur d’une nuit d’amour en plein jour, rideau tiré ». Durant ces pages de rémission (ou seulement de mise en retrait de la maladie), A.M. disparaît, s’efface provisoirement, ce qui permet au social et au politique de réapparaître. C’est à la faveur de l’une d’elles que Lucot s’en revient à Kadhafi, à qui la France déclare soudain la guerre.
Cet ultime chapitre de la vie du couple A.M./H.L. (dont nous lisons l’histoire livre après livre depuis Autobiogre d’A.M. 75, lequel reparaît chez P.O.L en format poche) va vivre un douloureux épilogue durant les deux dernières phases de la maladie : l’hospitalisation à domicile d’A.M. (que nous suivrons au jour le jour), puis son très bref passage à l’unité de soins palliatifs.
Du mal d’A.M. jusqu’à son décès (jusqu’à cette ultime révérence qu’elle tire avec élégance), Lucot dit tout, sans pudeur (cela surprend parfois), mais aussi sans pathos (et c’est tant mieux). Rien n’est épargné au lecteur dans ce qui peut être lu comme l’aboutissement d’un demi-siècle d’écriture. Un demi-siècle qui se referme sur le livre de la douleur absolue. Il faut le reconnaître : Je vais, je vis est un livre éprouvant, oppressant parfois. Nous sommes englués dans les examens médicaux et dans la douleur, qui est tantôt celle d’A.M., tantôt celle d’H.L., accompagnant celle qui souffre et va devoir perdre la vie. De plus, c’est un livre où l’on meurt beaucoup, et où le cancer vient souvent jouer les trouble-fête : pour Maria c’est celui de la moelle osseuse, celui du côlon-rectum pour un frère d’A.M., celui d’un sein pour l’écrivain Liliane Giraudon… Et quand le cancer bat enfin en retraite, il se trouve toujours une autre saloperie pour venir faire le sale boulot, et vous expédier dans l’autre monde.
Malgré toutes ces morts, Lucot parvient à nous maintenir en pleine littérature, là où l’œuvre continue de se faire, tant il est vrai que cet accompagnement est aussi celui de l’écriture. Une écriture qui continue de capter la vie, y compris lorsqu’elle se frotte à la mort.

Didier Garcia

Je vais, je vis
de Hubert Lucot
P.O.L, 672 pages, 25

La révérence d’A.M. Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
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