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Domaine français Palabres autour du bassin

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Chloé Brendlé

Délaissant l’univers grinçant de ses premiers livres, François Beaune s’ouvre à la Méditerranée et à ses bavards.

La Lune dans le puits

Forêt, fossé, gare, garrigue ». « Cachalot, calamar, centaure ». « Poivre, potion, purée, raki, rosé, saint-nectaire, saké, sandwich, sel, sélecto, shit  ». Ces mots piochés dans l’index ont la saveur poétique des listes et l’attrait des recettes impossibles que mitonnent les enfants. S’en remettre au hasard est une façon comme une autre d’entrer dans le livre aux mille tours de François Beaune. Car La Lune dans le puits n’est pas un récit que l’on suit mais un réservoir d’histoires et d’instants qui déflagrent l’imaginaire et le désorientent. Pendant quelques années, l’écrivain a quitté ses habits de romancier (Un homme louche, Un ange noir) pour enregistrer des témoignages tout autour de la Méditerranée. De Sfax à Bethléem, Barcelone à Tétouan, Manosque à Ramallah en passant par Athènes et Guzelbahçe, il a recueilli des fragments de vie dont il fait la matière et la forme de son nouveau livre, ni roman, ni essai, mais tentative d’autobiographie collective.
Entendons-nous, il ne s’agit pas de l’autobiographie de n’importe qui, mais de celle de tout le monde, un « livre dont nous sommes le héros », une planète en expansion puisqu’un site internet et donc potentiellement infini1 sert de refuges à de nouvelles histoires. Dans de grandes parties correspondant aux tranches de la vie, François Beaune cède la parole à ses interlocuteurs de passage et à leurs souvenirs, anecdotes, tronçons de récits ou de rêves. Il est question dans cette anthologie-mythologie (é)mouvante de dents, de sangliers et de lunettes, d’agressions, de signes et d’accidents, de crevettes algériennes et de djinns, de cachettes et de migrations ; on y apprend l’histoire de celui dont le terrorisme ne voulait pas et que le théâtre adopta, de celle qui cherchait la calle sin nombre sous Franco, d’un voleur de moutons honnête et d’une organisatrice de séjours en panique.
Le livre est sous-titré « histoires vraies de méditerranée » (aucune majuscule admise dans ce territoire de micro-fictions), et l’auteur cite une jolie proposition de Jamel Ghanouchi : « Toutes les fictions sont des histoires vraies. Il n’y a que Dieu qui crée à partir de rien du tout. » Contes ou vérité, seule importe l’envie de partager. Bien sûr certaines de ces histoires démarrent en fanfare et finissent en queue de poisson, bien sûr certains passages frisent l’incohérence, mais il y a une beauté certaine dans cette soif de raconter et dans la maladresse approximative, parfois, des traductions. François Beaune se réclame de Paul Auster et de ses histoires vraies new-yorkaises, cite Vassili Alexakis le Grec, Mahmoud Darwich le Palestinien ou Amin Maalouf le Libanais ; son texte revendique l’invention d’un lieu, d’une utopie – où les voix ne dialoguent pas mais cohabitent. Il parvient à esquisser l’espace que le MuCem (musée de Marseille dédié à la Méditerranée et soutien de l’écrivain) n’a pas su créer, en dépit de son architecture tout en arabesques et en délicatesse, et à cause de sa volonté œcuménique et idéologique (faire de la Méditerranée le lieu béni de l’invention de la démocratie, de la laïcité et des valeurs humanistes… dans un grand melting-pot ravi).
À l’époque des querelles identitaires, François Beaune ne cherche pas à rassembler artificiellement, mais à donner la parole, et surtout la possibilité de l’écoute, à des individus différents qui tous, ne s’entendent pas. S’encastrent dans cette marqueterie de voix des éclats de vie de l’auteur, tantôt veilleur de nuit à Lyon tantôt voyageur ébloui ou écœuré. Car la critique affleure, à l’ombre des révolutions manquées (aux côtés des touristes du Caire ou des opportunistes de Tunis) ou tout juste rêvées, la critique du « fric-satellite » et des cyniques de tout poil (journalistes en veine d’adrénaline, policiers en exercice, puissants en goguette, dieux en guerre). On retrouve in fine l’humour noir qui faisait le charme et l’amertume de ses précédents livres et l’on tombe sur François Hollande, George W. Bush et Yasser Arafat en enfer…

Chloé Brendlé

1 www.histoiresvraies.net

La lune dans le puits
de François Beaune
Verticales, 506 pages, 20

Palabres autour du bassin Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
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