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Domaine français Pièce d’identité

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Richard Blin

Géographie vécue ou rêvée, l’identité, pour Éric Faye, se reconfigure au fil des voyages.

Somnambule dans Istanbul

L’identité n’est pas un culte, c’est une recherche », déclarait Julia Kristeva à propos de son récent livre sur Proust. Il y a de ça – un refus de la sacralisation – dans le dernier livre d’Éric Faye qui nous a habitués à ses pérégrinations avec Mes trains de nuit en 2005 ou En descendant les fleuves : carnets de l’Extrême-Orient russe, en 2011. Dans son cas, carte d’identité et mappemonde se superposent ; l’une transparaît sous l’autre. À 50 ans tout juste, Éric Faye voit et surtout vit l’identité comme un passeport marqué de l’encre des tampons de lointaines destinations. À la question « qui suis-je ? », l’écrivain toujours sur le départ qu’il est semble répondre : « où je vais ». Dans ces nouveaux récits de voyages, « ébauche de cartographie de l’imaginaire », dont Istanbul n’est qu’une étape parmi beaucoup d’autres, Faye se transporte très loin de son Limoges natal. De passage « dans les régions boréales », au Groenland ou en Sibérie, arpentant les rues de Prague, de Nagasaki, ou sillonnant les républiques baltes soviétiques, « soutes du monde », Faye mettra d’autant plus de distance entre lui et la France qu’à une certaine période bat son plein le débat « sur une identité nationale dont (il se moquait) comme de colin-tampon ».
À distance de ces polémiques idéologiques, lui vit son identité comme un dépaysement permanent, comme une déterritorialisation, si l’on peut dire : « individu trop peu patriote et peu chauvin, trop curieux de ce qui se passe en dehors de l’irréductible village gaulois ». Loin de renier son pays de naissance, évidemment, Faye n’en fait pas moins sauter les barreaux du berceau à chaque frontière traversée. Par « nécessité de diluer le moi dans le monde ». Lui se berce au ronron des avions, au chaos des vieux tacots, au raffut des rafiots, aux hoquets des autocars : « Sans doute est-ce cela, l’essence du voyage : tenter de saisir en quoi l’on n’est pas originaire d’un lieu mais de plusieurs ».
Est-ce à dire que ce spécialiste de l’œuvre d’Ismaël Kadaré, autre grand voyageur soit dit en passant, toute identité est seulement anamorphose, mouvement ? En fait, elle tient plutôt de la sédimentation, du kaléidoscope, du patchwork ou, pour citer un mot qui revient sous la plume de l’auteur, de la « mosaïque ». Fourmillant d’anecdotes et de souvenirs, rythmés de réflexions sur l’écriture, ces récits à la chronologie et à la géographie éclatées montrent l’identité comme un Rubik’s Cube en recomposition continue. Elle n’est pas un piège qui enferme ou retient, mais un puzzle, à défaire et à refaire, sans cesse. Jamais fixe, mais fuyante, filante. Seul compte pour Faye ce qui peut offrir un supplément d’âme et enrichir la perception du monde : un visage inuit impassible à bord d’un coucou secoué au-dessus de Reykjavik, le goût des loukoums dans les monastères du mont Athos, le fantôme de Kim Novak sur des lieux de tournage de Sueurs froides à Frisco, « le silence surréel » de certains quartiers d’Istanbul.

Anthony Dufraisse

Somnambule dans Istanbul
d’Éric Faye
Stock, 242 pages, 18,50

Pièce d’identité Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
LMDA papier n°148
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