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Intemporels Fossoyeurs du néant

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Didier Garcia

La rencontre improbable entre un simple d’esprit et un criminel impuni : l’unique roman de l’Écossais Walker Hamilton.

Tous les petits animaux

Avec Walker Hamilton, les biographes n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. Sinon peut-être la brièveté de sa vie, capable de piquer la curiosité (on aimerait au moins savoir ce qui l’a fait disparaître aussi vite). L’homme naît en Écosse en 1934. En apparence, ce fils de mineur n’a rien d’un littérateur, car la plupart des emplois qu’il a occupés au cours de sa brève existence ne plaident pas en faveur d’un homme de lettres (on l’a vu travailler dans une brasserie). Comble de malchance, il meurt en 1969, tout juste un an après la sortie de son seul et unique roman, lequel fut (dit-on çà et là) mal adapté à l’écran par Jeremy Thomas en 1998.
Tous les petits animaux présente, sur huit chapitres, la cavale d’un certain Bobby Platt, dont l’esprit est resté celui d’un enfant après un accident de la route. Orphelin de père comme de mère, ce simple d’esprit de 31 ans décide soudain de fuir son beau-père tyrannique, qu’il surnomme « le Gros ». Direction la Cornouailles. Comme Bobby n’a pas le droit de conduire, il choisit de faire du stop. Les choses se passent plutôt bien jusqu’à ce qu’à ce qu’un routier commette une imprudence et envoie son camion dans le décor. Le chauffeur aura l’élégance de ne pas survivre à son geste et Bobby l’occasion de rencontrer un personnage tel qu’on ne peut en voir que dans les romans. Il s’agit de M. Summers, un drôle d’ermite installé dans une cabane en bois à quelques mètres de la mer. Il passe le plus clair de son temps à inhumer les petits animaux qu’il trouve morts sur les routes, en gros « partout où il y a des pneus, partout où il y a des hommes au-dessus des pneus ». Bobby se propose aussitôt de l’aider. Ce grand garçon n’a dès lors plus qu’une seule idée en tête : utiliser la truelle toute neuve que son nouveau compagnon vient de lui offrir.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce binôme singulier ne s’en tire pas trop mal, un peu comme Vladimir et Estragon dans En attendant Godot de Beckett. Entre les deux hommes commence une sorte d’idylle sur fond de militantisme, malmenée par deux incidents. Un jour, dans un bar pour mineurs de fond, la situation manque de mal tourner (M. Summers s’est assoupi) : Bobby se laisse à boire du gin avec un pauvre type, qui semble surtout s’intéresser à la braguette de son compagnon de beuverie… Quelques jours plus tard, la mésaventure est plus sérieuse. Pour aller s’acheter une glace, Bobby s’éloigne de M. Summers, qu’il finira par retrouver au terme d’une longue errance dans un monde redevenu soudain hostile.
Le défenseur de l’ordinaire et de tout ce qui passe inaperçu va désormais se comporter comme un père avec Bobby, lui offrant même de tuer « le Gros », afin qu’il soit totalement guéri. L’intention est d’autant plus louable que M. Summers a voix au chapitre : dans une autre vie, il a déjà tué sa propre femme. Avec « le Gros », il compte se servir d’un couteau de poche, lequel, au bout du compte, s’avérera trop modeste. L’expédition, quant à elle, rappellera davantage les Monty Python que James Bond : Bobby devra se rendre aux toilettes avant le déclenchement des hostilités, et il aura beau verser toutes les larmes de son corps (elles ne peuvent effacer quoi que ce soit), « le Gros » sera toujours en vie quand M. Summers aura rejoint l’autre monde.
Un coup de théâtre digne des plus mauvaises comédies de Molière sauvera l’enfant trentenaire. Et pour Bobby, tout finira bien, dans le meilleur des mondes possibles : la solitude et la compagnie des animaux morts…
Si d’emblée ce roman s’avère déroutant, c’est que de bout en bout la narration est assumée par Bobby. Pour le formuler autrement, c’est l’idiot qui raconte et qui, malgré lui, présente le monde tel qu’il le perçoit : « Il s’est approché si près de moi que j’avais l’impression qu’il avait le regard dans mes poches, et partout sur moi ». Avec une candeur qui arrache des rires ou bien qui émeut : « J’ai fourré ma tête dans son manteau et j’ai pleuré, j’ai pleuré, mais il était toujours mort quand j’ai eu fini. »
Faut-il voir en Tous les petits animaux un roman de l’absurde et de la déréliction, comme peut l’être le Molloy de Beckett ? Convient-il d’y lire, entre les lignes, un réquisitoire contre le totalitarisme ? un roman idéaliste annonçant l’avènement d’un nouvel hédonisme ? Ce qui est certain, c’est que les possibilités de lecture sont multiples, et que c’est une belle leçon de vie que nous donne cette fine équipe. Mais elle montre quand même à quel point il est difficile de triompher de l’inhumain et qu’en la matière la bonne volonté ne suffit pas. Pour venir à bout du monstre, il faut attendre un coup de pouce du destin. Une façon de miracle. Et c’est peut-être la force de ce livre que de nous inviter à y croire.

Didier Garcia

Tous les petits animaux
de Walker Hamilton
Traduit de l’anglais (Écosse) par Jean-François Merle
10/18, 144 pages, 7,10

Fossoyeurs du néant Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
LMDA papier n°148
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LMDA PDF n°148
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