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Domaine français Soleil noir

janvier 2014 | Le Matricule des Anges n°149 | par Richard Blin

Du désenchantement, du légendaire, Richard Millet tisse des chants aussi beaux que ténébreusement lumineux.

Parce qu’il est viscéralement écrivain – l’un des meilleurs et des plus envoûtants – Richard Millet écrit, et ce n’est pas le bannissement dont il a été l’objet il y a un an (voir à ce sujet, L’Affaire Richard Millet, critique de la bien-pensance, de Muriel de Rengervé, éd. Jacob-Duvernet) qui pourrait l’en empêcher. Trois nouveaux livres viennent le prouver, qui montrent combien Millet habite la langue, sait déployer les fastes sourds des eaux sombres du sang.
Dans Une artiste du sexe, Sebastian, un jeune écrivain américain venu en France pour fuir ses parents et écrire en français « ce qu’il ne pourrait pas dire en anglais », conte sa relation avec Rebecca, une métisse née au Danemark, d’une mère néo-zélandaise, une figure de la nuit prisonnière d’une hérédité maudite. Elle aussi tente d’écrire, s’en remettant « aux harmoniques de la langue française pour y voir plus clair en elle-même ». Deux êtres en exil, dans un Paris qui rappelle celui des surréalistes, et en proie à un destin placé sous le signe de l’étrangeté et du désordre. En écrivant non pas pour la comprendre mais au contraire pour rendre Rebecca à « l’inquiétante et douloureuse énigme qu’elle était à elle-même », Sebastian nous fait découvrir une femme rongée par l’angoisse, fascinée par la mort et dont la grande disponibilité sexuelle constitue le mode d’être. De cette absolue liberté, elle a fait un art, se donnant « comme on prête un livre ou qu’on chante devant quelqu’un ». Une sorte de damnation vécue dans le vertige de l’indifférence : « J’aime ces moments où je ne suis personne, en posant, en buvant, en faisant l’amour avec un inconnu ». Une fatalité qu’elle vit en traversant les jours « com-me une prairie brûlée, tout à la fois herbe et flamme, cherchant le feu qui tuerait les flammes et ne le trouvant que dans le don presque anonyme de soi ». Un livre qui est une sorte d’adieu au roman tant la question du sacrificiel et du silence le traverse, tant aussi Millet s’y démultiplie, en « mort amoureux d’une demi-vivante », en incompris emmuré dans ses tourments, en « idiot de notre temps », ou sous les traits de Pascal Bugeaud, son quasi double, un homme terriblement seul, un écrivain « contraint à renoncer à ce qu’il est pour rester fidèle à lui-même », lui qui a depuis longtemps compris qu’écrire « c’est apprendre à mourir au cœur de cette illusion qu’est la vie ». Écriture des ténèbres dans laquelle tout espoir de salut semble illusoire tant chacun vit du bout des lèvres, au bord du temps et au bord de soi.
Avec L’Être-bœuf, texte aussi original qu’incisif, c’est le rapport aux bêtes, à la viande de bœuf qu’évoque Richard Millet. Loin de la sensiblerie contemporaine, et à l’heure où certains pensent à réclamer des droits pour les animaux – niant ainsi toute hiérarchie et toute verticalité –, c’est sous l’égide du Minotaure, de l’art, du sacré, du légendaire que Millet traque la part d’animalité qui est en nous, les traces de l’archaïque et du primitif qui font que les frontières entre le chaos initial et les dehors civilisés sont parfois peu sûres, et ce jusqu’au fond du labyrinthe « que chacun est pour soi et où quelque chose de soi est sans cesse mis à mort par ces petits sacrifices intimes » que réclame la morale .
Quant à Trois légendes, c’est au pays de Siom, à ses grands bois, ses combes froides, ses ténèbres inquiétantes, qu’il nous ramène. Trois récits qui conjuguent la terre, le temps, la maudissure sur fond de souvenance et de sortilèges. À travers les trois morts d’un cordonnier musicien qui aimait les femmes et charmait les loups, celle d’un ancien marin dans les flammes de son bateau construit au sommet des arbres, et au terme du retour apocalyptique des frères Cavalier qui avaient juré de revenir ensemble de la guerre, c’est le pouvoir d’envoûtement de la littérature mais aussi la jouissance d’écrire que célèbre Richard Millet.

Richard Blin

Richars Millet
Une artiste du sexe
Gallimard, 238 pages, 17,90
L’Être-Boeuf
Pierre-Guillaume de Roux, 96 pages, 15,50
Trois légendes
Pierre-Guillaume de Roux, 94 pages, 15,50

Soleil noir Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°149 , janvier 2014.
LMDA PDF n°149
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