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Essais Traité de désobéissance civile

mars 2014 | Le Matricule des Anges n°151 | par Christine Plantec

Avec Ce qui ne peut se dire, Virginie Lou-Nony propose une réflexion revigorante sur les ateliers d’écriture. Une approche politique de la littérature.

Ce qui ne peut se dire

Auteur de six romans – dont le très beau Eloge de la lumière au temps des dinosaures (prix du Premier roman en 1996) – Virginie Lou-Nony anime depuis une trentaine d’années des ateliers d’écriture. Ce qui ne peut se dire est le fruit de sa réflexion sur les creative writing qui, bien que très installés outre-Atlantique y compris au cœur même du cursus universitaire, ne bénéficient encore que très timidement du crédit de l’institution littéraire française.
Si Raymond Carver est advenu à l’écriture par l’atelier de John Gardner, atelier grâce auquel il renouvelle le genre de la nouvelle, l’oulipien Raymond Queneau (cité par V. Lou-Nony) nous rappelle malicieusement que « le classique qui écrit sa tragédie en observant un certain nombre de règles qu’il connaît est plus libre que le poète qui écrit ce qui lui passe par la tête et qui est esclave d’autres règles qu’il ignore ». Aussi l’atelier d’écriture est le lieu où se fabriquent des textes à partir de « consignes », « d’inducteurs », de « contraintes » – de ce que Lou-Nony nomme très justement des « propositions ». Néanmoins les textes produits ne sont pas réductibles à des recettes qu’il sied de reproduire scolairement, tout simplement parce que ce lieu de création littéraire excède sa servile vocation d’apprentissage pour permettre à chacun d’aller vers sa singularité « d’écriveur ». En cela Virginie Lou-Nony fait sien le précieux précepte du « tous capables » de l’éducation populaire.
L’originalité de l’ouvrage réside dans le fait que c’est à partir du silence que s’amorce sa réflexion. Alors que ses coreligionnaires – François Bon (Tous les mots sont adultes), Hubert Haddad (Le Nouveau magasin d’écriture) ou Alain André (Babel heureuse) – articulent leurs ouvrages autour des genres littéraires ( écrire une nouvelle, l’écriture autobiographique, théâtrale, poétique, etc.) et partent d’une forme préalable pour ensuite permettre à chacun d’aller vers sa propre pente, Virginie Lou-Nony interroge les raisons pour lesquelles écrire (ou en être empêché) repose d’abord sur une incapacité à faire sienne la langue. Pourquoi, en effet, est-il si difficile d’écrire ? Reprenant à son compte la dernière phrase du Tractatus de Wittgenstein dont elle caviarde volontairement la fin (« Ce qui ne peut être dit, il faut le taire »), elle décline les nombreuses idées reçues qui pèsent sur la création littéraire et dont toutes ont partie liée avec la question inquiétante et néanmoins nécessaire du silence. Écrire, c’est d’abord faire cesser l’insidieuse mécanique de la langue ordinaire dans sa propre langue, celle qui, à chaque rentrée littéraire, nous inonde de son « inanité sonore » (Mallarmé)… La pratique régulière de l’atelier ouvre à cette prise de conscience que la crainte de la page blanche ou du hors-sujet sont de fausses questions, tout autant que l’idée d’« inspiration (qui) déplace la création de l’intérieur vers l’extérieur » et par conséquent empêche tout un chacun d’aller voir au dedans.
La redoutable intelligence du livre tient au fait que la structure de l’essai est à l’image de ce que son auteur tente de démontrer. Six chapitres éclairent, pas à pas, sa démarche orchestrée en trois temps distincts. Tout d’abord un constat – toujours celui d’une difficulté – puis une proposition d’écriture permettant de dépasser l’obstacle et nourrie de textes littéraires originaux, enfin un texte de participant dont l’identité est précisée au même titre que celle d’un auteur sur la page de garde d’un livre.
L’ouvrage est certes pédagogique mais il se veut surtout une réflexion politique sur la littérature. Faire « l’expérience obscure » (Blanchot) d’un usage anormal et inhabituel de la parole comporte évidemment des risques. Se prémunir de la parole policée et de son infernale machinerie permet aussi de « retrouver la sauvagerie, la sensation et l’émotion ». Les propositions faites aux participants des ateliers permettent cela et ce faisant elles accroissent « notre pouvoir d’énonciation » (Breton) et notre liberté. C’est notre rapport au monde qui s’en trouve modifié. Habiter la langue plutôt que de s’en tenir à la périphérie est une alternative à la barbarie dont l’affligeante banalité s’illustre dans « le langage déshabité d’un Eichmann ». Et Virginie Lou-Nony de préciser que si l’atelier n’est pas un lieu où se fabrique des écrivains, il est certain qu’« on publie de trop, mais que l’on écrit pas assez ». (Georges Picard).


Christine Plantec

Ce qui ne peut se dire
Virginie Lou-Nony
Actes Sud, 433 pages, 24,80

Traité de désobéissance civile Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°151 , mars 2014.
LMDA PDF n°151
4,00