Nourri d’émotions sensuelles et esthétiques, irradié par le soleil féminin, le dernier livre de François Solesmes est un trésor de sensations et d’observations. Ce poète qu’enchantent, comme autant de reflets du Paradis primitif, la femme, l’océan et l’arbre – qui fut l’inspirateur de L’Amant et le destinataire des Lettres à l’Amant de Mireille Sorgue, morte à 20 ans mais avec qui il poursuivit le dialogue dans L’Amante (tous chez Albin Michel), est l’auteur, entre autres, d’un Éloge de la caresse (Phébus/Libretto, 2006) et plus récemment d’Une fille passe (Encre Marine, 2011, voir Lmda N°129). Il tente aujourd’hui, avec Prisme du féminin, d’épuiser l’inépuisable, de célébrer encore une fois la Femme, l’être qu’on retrouve au point de convergence de tous les songes et de tous les désirs. La Femme, en ce qu’elle cristallise d’émotions sensibles, de jouissance esthétique et de sacralité latente. La Femme, aimée et célébrée comme la toujours grande promesse, « celle qui subsiste après avoir été tenue » disait André Breton. Celle qui vient à vous en vous ouvrant à elle, celle qui oriente le visible et en qui s’incarne la première merveille de la Création.
En quoi les femmes diffèrent-elles des hommes ? Voilà ce qui fascine François Solesmes. Car s’ils sont tous deux embarqués dans le même navire, l’homme et la femme sont fondamentalement différents, quasi étrangers l’un à l’autre. Même Thérèse d’Avila le savait, qui déclarait : « Nous ne sommes pas si faciles à connaître, nous autres femmes. » À partir des expériences communes à l’homme et à la femme – le désir et le plaisir amoureux, l’ambition et l’autorité, l’amour de la vie et les pouvoirs du mot, la solitude et la vieillesse –, mais également à partir de ce que lectrices ou amies lui ont confié, c’est l’Autre dans sa singularité qu’il cherche à appréhender. À commencer par son corps qui n’est que galbes, prééminence de la courbe, agencement rythmique d’arabesques. « On voudrait que tout homme à qui une jeune femme donne le privilège de la toucher – de l’attoucher ! – eût conscience des fastes qui lui échoient. » Dissemblables aussi le déploiement tout intérieur du désir féminin, la plénitude rythmique de sa jouissance. « Louées celles qui ne se sentent jamais plus singulières et justifiées dans leur nature, leurs dissemblances avec l’homme, que dans l’amour. » Et Solesmes de passer en revue toutes les saveurs de l’amour, de l’art des caresses qui dispose les peaux à l’osmose, « éploie le sexe en plumage de paon » jusqu’à l’après de l’amour : « Ce sont minutes de vérité que celles de l’après, quand les corps accolés se disjoignent. »
De la « sourde radiance » du charme, qui se confond si peu avec la beauté et se distingue de la grâce – qui, elle, peut être acquise – en passant par le saphisme (même si la plupart des femmes choisissent toujours la différence et ses surprises), ce sont toutes les facettes de la vie au féminin qui sont ici explorées. Ainsi que les figures de la séductrice – « L’énigme que nous est toute femme devient, par elle, irréductible » –, de la souveraine, de toutes celles qui ont su faire du « traditionnel handicap de la féminité » un atout, et de sa spécificité, une chance. Ne sont pas oubliées non plus les mal aimées, qui n’ont peut-être à offrir à l’amour qu’un asile rudimentaire, doublé de « l’absence de toute invention, de toute audace ». Alors, « faut-il s’étonner que l’amour, au vu de celles-ci, fasse un grand détour ? »
Comme écrit dans le prolongement de l’union amoureuse, cet hymne aux Femmes est celui d’un idolâtre. « Les polissons sont amoureux, les poètes sont idolâtres » disait Baudelaire qui savait combien de faveurs attendent celui qui, « aimant admirer », a le goût du monde féminin.
Richard Blin
Prisme du féminin,
de François Solesmes
Encre Marine, 208 pages, 21 €
Domaine français L’état féminin
juillet 2014 | Le Matricule des Anges n°155
| par
Richard Blin
Avec quelque chose de la dynamique enveloppante et vertigineuse de la spirale, François Solesmes fait l’éloge de l’autre genre.
Un livre
L’état féminin
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°155
, juillet 2014.