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Domaine français Les banques et le silence de dieu

février 2015 | Le Matricule des Anges n°160 | par Eric Bonnargent

C’est la parole d’un père, qui rêvait d’un destin autre, que fait entendre le beau premier roman de Stéphanie Chaillou.

Lorsqu’on apprécie l’œuvre d’un poète, c’est avec circonspection, voire un peu d’inquiétude, qu’on aborde son premier roman. Cette voix singulière que l’on a aimée, lorsque dégagée des contraintes narratives elle pouvait en toute liberté faire entendre son chant unique, comment va-t-elle se comporter prise dans la nécessité du récit ? Nous avions suivi son parcours de poète, vu, entendu sur scène le riche dialogue qu’elle savait instaurer avec des musiciens, goûté au charme étrange de cette poésie litanique. De tout cela nous souhaitions retrouver quelque chose. L’Homme incertain répond à nos attentes.
Cet homme incertain, c’est le père, et les histoires de père, bien souvent, sont touchantes. Le récit qu’il nous livre, un monologue, est celui de sa vie. Toute une vie bien ratée, comme eut dit le regretté Autin-Grenier. Il est passé à côté de son destin. Ses ambitions, ses envies étaient pourtant simples. Cultiver la terre, élever des bêtes, faire vivre de ça toute une famille, être heureux. Mais «  il n’est pas suffisant de croire à la simplicité des choses ». Aussi simples et purs qu’ils soient, les rêves se fracassent contre le mur du réel. Un réel qui, dans ces années soixante-dix s’appelle PAC, comme politique agricole commune, et signifie la fin d’un vieux monde paysan. Le père est seul. « Pas de responsable, dit-il, il n’y avait que moi. Moi, les banques et le silence de Dieu ». Mais est-ce bien la seule raison de la faillite annoncée ? D’où vient que l’on échoue ? Est-ce qu’on porte en soi les germes de son propre désastre ? « Il arrive que nous vivions séparés de ce que nous pouvons. C’est même le sort de la plupart des hommes, la plupart du temps » dit Deleuze, cité ici en exergue. Le mal ne vient-il pas aussi de ce qu’entre soi et le monde, il y ait « Un léger défaut d’articulation », pour reprendre le beau titre du précédent recueil de Stéphanie Chaillou ? On sait pour avoir lu ses poèmes que c’est dans cet espace du décalage qu’elle aime à s’aventurer.
S’il y a en elle quelque chose de Duras, il y a plus encore, dans cette façon qu’a sa langue de creuser dans la douleur quelque chose de Mauvignier, et ce père trouverait sa place parmi tous les hommes cassés chers à l’auteur d’Apprendre à finir. S’il n’en peut plus de vivre et s’il ne sait précisément pas finir, il n’a de cesse de revenir sur les chemins où il s’est perdu pour trouver des réponses, pour lui peut-être, pour ses enfants surtout. Littéralement, il cherche ses mots, « des mots corrects qui réussissent à dire les choses ».
Les enfants, c’est l’autre voix du livre. C’est aussi ce qui en fait la force, l’originalité, l’étrangeté. En contrepoint du monologue du père, les enfants, d’une seule voix égrènent, de façon purement objective, des morceaux de souvenirs, des bribes de passé. Ce sont instants fugitifs, petits objets, menus plaisirs et autres brimborions qui constituent l’ordinaire et le plaisir des jours. Par exemple : « On avait un père, une mère, des ours en peluche, des petits ruisseaux, on avait des larmes, des prières, la route jusqu’au calvaire, on avait des champs, des bêtes, les matins frais, ça existait. » Mis bout à bout, cela donne un poème, le poème de vivre, et cela fait bien sûr le lien avec le travail poétique de Stéphanie Chaillou édité chez Isabelle Sauvage. « je ne suis pas Edouard Levé », disait-elle en introduction de son précédent recueil, façon malicieuse de nous dire vers qui regarder pour les influences. De Levé, on n’a pas oublié Autoportrait. C’est bien de ça dont il s’agit. Un père empêché, des enfants tournés vers les images du passé, c’est le portrait en creux d’une génération perdue qui est un peu la nôtre.

Alain Girard-Daudon

L’Homme incertain
de Stéphanie Chaillou
Alma éditeur, 170 pages, 16

Les banques et le silence de dieu Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°160 , février 2015.
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