Histoire des traductions en langue française- Tome XVIIe et XVIIIe siècles
L’Histoire des traductions en langue française (HTLF) est un projet de très grande envergure initié en 2004 sous la direction d’Yves Chevrel, professeur émérite de littérature comparée, et de Jean-Yves Masson, traducteur tout aussi renommé. Novatrice, l’entreprise inaugurait une recherche transdisciplinaire unique en son genre qui a envisagé avec l’aide de cent quatre-vingts chercheurs la parution de quatre volumes couvrant depuis le Moyen Âge l’épopée des traducteurs et de leurs traductions. Le premier fruit de ces efforts concertés parut en octobre 2012, consacré au XIXe siècle. Le deuxième volume, co-dirigé par Y. Chevrel et Yen-Maï Tran-Gervat, jeune professeur de la Sorbonne, aborde XVIIe et XVIIIe siècles, de 1610 à 1815. N’excluant aucun champ de la traduction (livres d’histoire, pour enfants, etc.), il élargit à nouveau le panorama des « belles infidèles », plus éloquentes encore qu’on l’imaginait.
Viendront en 2015 les XVe et XVIe siècles, avec une partie concernant le Moyen Âge, puis, l’année suivante, le XXe siècle qui promet d’être profus lui aussi. Pour l’heure, explications.
Yves Chevrel, l’Histoire des traductions en langue française vient combler un pan de notre histoire intellectuelle. Comment décririez-vous l’importance de ce projet en matière d’épistémologie, d’histoire du livre, des idées, de la littérature ?
Le projet prend place dans un mouvement récent (une trentaine d’années) d’intérêt pour les traductions et les traducteurs, ceux-ci étant restés ignorés ou devenus invisibles en raison du peu de considération accordé à celles-là, d’emblée suspectes parce qu’elles ne seraient que des produits toujours plus ou moins falsifiés. L’originalité du projet, sans doute sa nouveauté majeure, est que nous avons voulu n’exclure a priori aucune spécialité : les traductions d’ouvrages scientifiques, historiques, religieux, juridiques, littéraires, etc. font partie intégrante de l’enquête ; il s’agit de reconstruire une histoire intellectuelle produite dans une langue, le français, qui a servi, et pas seulement en France, à transmettre idées et valeurs dans tous les domaines de la vie de l’esprit. Nous avons considéré les traductions d’abord comme des ouvrages concrets, qui ont circulé sous des formes diverses (volumes, revues), avec, souvent, des interventions des traducteurs ou des éditeurs, parfois aussi sans mention explicite du fait qu’il s’agit d’une traduction. Il a paru alors indispensable de remonter aux projets des traducteurs, explicites ou non, et de les comprendre, plutôt que d’adopter d’emblée une attitude critique, trop souvent péremptoire. Parmi les investigations menées, il faut signaler tout ce qui touche à la présentation matérielle des traductions elles-mêmes. Parmi les résultats : le grand intérêt des discussions menées, très tôt, sur la pratique et la théorie de la traduction, la grande conscience des traducteurs scientifiques (qui agissent souvent en collaborateurs), ou encore...

