Louis Calaferte, les élans d'un insoumis
- Présentation Un îlot de liberté
- Entretien « Un éveilleur »
- Autre papier L’ami de Tarabuste
- Autre papier Commémoration
- Entretien « Une quête intérieure »
- Bibliographie Bibliographie
- Autre papier Chassez la racaille !
- Autre papier « Les mots, ça fait tout trembler… »
- Autre papier « Pas pourris. C’est l’essentiel »
- Autre papier Être soi et l’autre
- Autre papier Du pire que vrai
Longtemps avant de rencontrer l’homme Calaferte, j’ai rencontré un livre : Septentrion. C’était dans un hôtel sur les hauteurs de Genève où, étudiant, j’exerçais pour survivre le métier d’homme à tout faire. Un client de l’établissement, par inadvertance ou charité, avait abandonné une belle édition de l’ouvrage. Sans doute que le livre m’était destiné puisqu’il m’accompagna tout le temps que dura mon errance sur les bords du Rhône. Avec le recul, je devais m’identifier au narrateur. Comme lui, je vivais d’expédients, lui à Paris, moi à Genève… Septentrion, plus que de m’accompagner, m’a sauvé.
Ma relation avec Louis date du milieu des années 80. Claudine Martin et moi avions édité à l’enseigne de Tarabuste et en coédition avec La Marge (éd. Jaques Hesse), un beau livre illustré par Catherine Seghers : Télégrammes de nuit. Cette expérience fut à ce point concluante que Tarabuste la fit suivre pour son propre compte d’un deuxième livre, Danse découpage, illustré d’originaux du peintre Philippe Cognée.
Ce fut le début d’un compagnonnage qui ne fit que renforcer l’impression que Louis Calaferte tout autant que moi, nous eûmes à cette époque : on se connaissait de toujours. Est-ce cela qu’on appelle l’amitié ?
Nous pouvions débattre pendant des heures entières car il était intellectuellement insatiable. De littérature beaucoup, d’art et de politique également mais aussi de religion ou plus exactement du religieux. La spiritualité occupait une place d’exigence dans sa vie.
Donc de l’exaltation, sans nul doute, mais sans emportement, bien qu’il ait eu souvent plaisir à railler les postures douteuses de certains hommes politiques. Louis pratiquait le retrait qu’il préférait aux manifestations publiques. J’ai souvent entendu dire qu’il était un anarchiste chrétien, ce n’est peut-être pas récusable entièrement, mais il me semble que lui importait d’abord d’être un homme debout, un citoyen du monde selon la formule consacrée. Bien que peu sensible aux honneurs, il ne les refusait jamais, les assumant toujours : c’était le pendant normal d’une activité artistique et sans doute ne souhaitait-il pas vexer d’éventuels admirateurs découvrant son travail. Mais il fallait qu’on vînt le chercher, ce ne pouvait être de son fait.
Vingt ans après sa disparition, pour l’association des amis de Louis Calaferte, il importe surtout de perpétuer sa mémoire et son œuvre : création à Blaisy-Bas, son petit village bourguignon, du Centre de Ressources et de Recherches Calaferte, et, parmi divers projets à concrétiser, la bibliothèque Louis Calaferte… »