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Poésie Héraclite d’aujourd’hui ?

octobre 2015 | Le Matricule des Anges n°167 | par Richard Blin

La poésie de Christian Hubin déploie une parole nue, sauvée des tautologies, qui, dans sa nudité aromale et sa concision oraculaire accompagne ce qui ne peut se dire.

Ce qui rend unique l’œuvre de Christian Hubin, explique aussi ce qu’elle peut parfois avoir de déroutant, c’est son obstination à dire ce qui ne saura jamais se dire. Une œuvre qui congédie le Moi, le sujet, « l’onanisme poisseux des Moi parcellaires », le « tétanisme de la pensée binaire ». Qui interroge : Qu’est-ce qu’un poème ? « Pour quoi dire. Il n’y a peut-être rien à dire. Et de ce rien montent les seuls mots qui vaillent. » Une œuvre qui s’édifie hors du nom, « dans le différemment – l’à-jamais hors de soi » – au-delà de la pensée, et qui est moins expression que manifestation – par spasmes, hoquets, à-coups – des échanges muets qui caractérisent cette forme d’antéconscience propre au monde initial, au monde d’avant le langage, cet antérieur où toutes les formes, tous les états s’échangent, où rien n’est plus séparé de rien. De cette réalité plus vieille que l’intelligence et échappant à toute notion de sens et de non-sens, comment rendre compte ? Comment dire ce qui parle sans parler, ce qui englobe sans contenir ? Rouleaux s’enroule autour de ces questions.
« Moins que du su, on est de ce qui s’ignore. De ce qui ne se comprend pas. » Parlant – « qui n’est pas ce qui veut s’entendre » – qu’est-ce qu’on restitue ? Les mues, les « muances » de ce qui est ? « Une espèce d’infradialecte mastiquant du dévasté » ? Le sentiment qu’à tout moment le moindre instant peut bifurquer sur une autre durée ? Des sons tus, « biseautés », de l’antéconceptuel  ? Du « muet respiré »  ? Tout ça à la fois mais dans un évidement négatif, une hésitation systématique, un souffle venu de cette résonance intérieure, « raclée jusqu’à l’ébahi, jusqu’au nomade », qui vibre dans la voix de Christian Hubin.
Mais une voix comme empêchée – « un morse d’ellipses et de coupures » – car c’est ce qu’elle ne peut dire qu’on entend. Une voix qui ne cède pas mais n’accède pas non plus, donne simplement à entendre, par bribes, la relation de la langue et de la matière, l’écho d’un impitoyable corps à corps avec l’obtuse altérité. Une écriture qui implose, se dissout dans une parole fragmentaire, qui ne s’approprie rien, ne se réfère à rien, laisse un sillage d’inconçu. Une forme d’expression qui excède toute communication, renvoie à une expérience de la séparation et de la discontinuité. D’où la violence du fragment, l’absence de liaison, les ellipses, les syncopes qui sont autant d’ablation dans la voix. D’où aussi des énoncés qui donnent à voir de manière aveugle, sont de la langue dans sa vibration native. Parole hébétée qui met le lecteur face à l’insoupçonné, à des sommations secrètes de présences qui n’ont rien de présent, lui donne le sentiment que tout est infini, simultané et séparé. Une écriture de la vitesse pressée de ne rien re-connaître, ponctuée d’imprévisible, grosse de l’énergie disloquante de la poésie (René Char), dont témoignent Greffes, Neumes et Crans, pour ne citer que les trois derniers livres de Christian Hubin.
Rouleaux, ses notes, fragments, réflexions, analyses, s’attache, dans la lignée de La Forêt en fragments, de Parlant seul, du Sens des perdants (tous chez Corti) – et par-delà sa critique acerbe de la société, de tous ces « écrivants de l’écrire, de l’apnée et du godillage d’écrire, canotant de long en large sur le marigot de leur moi » – à cerner cette dimension du réel qui n’entre dans aucune définition de ce qu’est la réalité, celle qui relève de « l’alphabet secret de ce qui ne s’épèle pas » (Roberto Juarroz). Cette voix tue, cet auroral étranglé, qui ne se peuvent saisir qu’au comble du dessaisissement, et dans un mouvement d’apparition-disparition, c’est cela le poème. Une parole qui n’enseigne rien, troue la langue, la fait mourir à elle-même, monte de cet intervalle entre être et néant où le réel n’est plus un décor mais un ruminement de primitivité où tout est présent et soustrait, laps et lapsus orchestrant la musique de ce qui manque.
Richard Blin

ROULEAUX DE CHRISTIAN HUBIN
L’Étoile des limites, 128 pages, 15


Héraclite d’aujourd’hui ? Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°167 , octobre 2015.
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