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Poches Fantasmes et fantômes

janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169 | par Thierry Cecille

Au fond du bush australien, une jeune femme se loue pour un week-end à un homme : Chloe Hooper tisse autour d’elle une toile de désir et d’angoisse.

Liese Campbell travaillait dans un cabinet d’architectes du Londres chic et survolté des années fastes – mais vint la « crise financière mondiale  ». Elle décida alors de tenter sa chance en Australie, à Melbourne, où un oncle agent immobilier la prit à son service. Elle fit la rencontre d’Alexander Colquhoun, riche fermier exportateur et, face au désir qu’elle suscita d’emblée chez lui, eut l’idée de lui faire payer leurs rencontres érotiques, pour rembourser ses dettes londoniennes. Elle inventait pour lui des scénarios toujours plus complexes, en accord avec les lieux divers qu’elle était censée lui faire visiter. Quand elle l’avertit qu’elle avait décidé de retourner en Angleterre, elle ne fut donc guère surprise de l’entendre lui proposer une ultime rencontre : elle viendrait, en échange d’une forte somme, passer un week-end amoureux dans sa propriété.
Avant d’être embarqué dans cette narration menée tambour battant, le lecteur peut s’étonner : le précédent ouvrage d’Hooper, Grand homme, (voir Lmda N°108) était une sorte de reportage documentaire à propos du destin d’un jeune Aborigène, mort en cellule dans des conditions troubles. Hooper y éclairait avec empathie et minutie la pauvreté et le racisme que devaient subir les survivants de ce peuple autochtone. Ici, à l’inverse, c’est le romanesque qui l’emporte – comme si Hooper, à l’instar de son héroïne, s’était lancé un défi, qu’elle relève avec talent. Il s’agit bien alors pour le lecteur de se prêter à ce que Coleridge appelait « la suspension volontaire de l’incrédulité  » : nous devons accepter l’impressionnante mais peu vraisemblable acuité psychologique et la non moins improbable maîtrise de l’écriture de notre jeune héroïne-narratrice, nous devons nous laisser entraîner dans les pièces désertes, poussiéreuses et sombres de cette vaste maison ancestrale, nous devons admettre les rebondissements qui viendront transformer cette anodine invitation en piège peut-être mortel. Hooper a-t-elle délibérément tenté le pastiche ? Il est certain que nous nous retrouvons plongés quelque part entre les cauchemars d’Ann Radcliffe et Le Meurtre de Roger Ackroyd, dans les décors du Hitchcock de Psycho ou de Rebecca, confrontés aux ambiances malsaines et oniriques à la fois d’un David Lynch.
Acceptons donc le marché. Cette variation sur l’ensorcellement ou l’enchaînement des fantasmes dans la relation amoureuse fonctionne parfaitement. Sans doute se prostituer est-il toujours davantage que vendre son corps, ainsi que le déclare Alexander : « Vous ne pouvez pas défaire une prostituée comme ça, Liese. Vous ne pouvez pas rembourser l’argent et détruire ce que vous avez construit.  » Y a-t-il une limite à ne pas franchir, et laquelle ? Nous pénétrons peu à peu la conscience de la narratrice, oscillant entre la clairvoyance – feinte ? – et la folie, nous ressentons la solitude de ce fermier millionnaire, héritier d’un couple mystérieux qui lui a sans doute légué davantage que ces centaines d’hectares. De nombreuses scènes sont réussies, qu’il s’agisse de rendre compte du pouvoir magique de cette « majestueuse bâtisse », « conçue pour que chacun se sente à sa merci  », ou de décrire, en quelques paragraphes d’une grande efficacité, la sauvagerie du « paysage immémorial » – et les beautés qu’il recèle pourtant. Et derrière le désir qui ici se monnaie ou se travestit, passionne ou paralyse, rôde la mort, celle des esclaves ou des prisonniers qui jadis travaillèrent ces terres et qui firent la fortune de la famille, celle du bétail élevé pour l’abattoir – et celle de ce cygne noir que Liese admire mais qu’Alexander, après l’avoir tué « avec un silencieux et une lunette  », lui offre au dîner – en guise de sacrifice ?
Thierry Cecille

FIANÇAILLES
DE CHLOE HOOPER
Traduit de l’anglais (Australie) par Florence
Cabaret, 10/18, 308 pages, 7,50

Fantasmes et fantômes Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°169 , janvier 2016.
LMDA papier n°169
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