Certaines rééditions ont parfois vraiment du bon, surtout quand il s’agit d’un titre paru il y a plus de quinze ans chez Gallimard, et passé inaperçu. Chris Offutt avait pourtant été remarqué pour un premier recueil de nouvelles, Kentucky Straight, mais pas suffisamment sans doute. Alors cette parution en poche du Bon frère vient à point nommé pour découvrir un auteur de premier ordre qui expliquait que, dans son Kentucky natal, il n’apparaissait qu’un écrivain tous les cinquante ans…, et qui ravira les lecteurs d’un Larry Brown par exemple. Chris Offutt met moins en scène des rednecks complètement largués et stupides, que des petits blancs pauvres de la classe ouvrière, taiseux certes, mais avec des valeurs bien ancrées, un attachement profond à leur territoire, et une certaine idée de la vie, basée sur la rudesse des conditions d’existence, comme une sorte d’esprit de pionniers encore inscrit en eux alors que le mythe de la Frontière n’existe plus.
C’est dans un de ces coins reculés du Kentucky que vit Virgil, lequel aime à se balader seul dans les bois, prendre un petit café tranquille ou s’asseoir sur sa terrasse, dans le calme et la sérénité du soir et du soleil couchant. L’exact opposé, en somme, de son frère Boyd, casse-cou de première, parlant souvent avec ses poings, fêtard, coureur de jupons, destiné à partir un jour, quitter le comté, aller loin… mais qu’on a retrouvé mort, assassiné. Tout le monde sait, dans les parages, qui a fait le coup. Certains disent que Virgil doit venger son frère, qu’ici il y a des règles, qu’on ne peut pas laisser cette mort impunie, d’autres ne parlent pas, comme sa mère, mais n’en pensent pas moins… Alors Virgil, peu à peu, se voit contraint de faire un choix, se laisser aller à la vengeance ou pas, et il s’étonne lui-même à échafauder un plan assez complexe qui va le conduire jusque dans les collines du Montana. Une balade noire à déguster.
L. D.
LE BON FRÈRE
DE CHRIS OFFUTT
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Freddy
Michalski, Gallmeister, « Totem », 416 p., 12 e
Poches Le bon frère
mai 2016 | Le Matricule des Anges n°173
| par
Lionel Destremau
Un livre
Par
Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°173
, mai 2016.