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Domaine étranger Lignes de vie

novembre 2016 | Le Matricule des Anges n°178 | par Anthony Dufraisse

Figure emblématique de la lutte pour les droits civiques, Maya Angelou livre un codicille en forme de lettre ouverte aux femmes.

Lettre à ma fille

Disparue en mai 2014, à 86 ans, Maya Angelou n’a jamais eu de fille. Seulement un garçon. Cette fille à qui elle s’adresse, c’est la génération qui vient, c’est la descendance plurielle. Au-delà des femmes noires, dont elle a tant et tant défendu la condition, c’est à toutes les femmes qu’elle offre Lettre à ma fille, ce « legs ». Plus qu’un testament, cette lettre ouverte vaut trace, graine. Trace comme cette empreinte de main visible sur la couverture, ou graine en germination que suggère cette fois l’illustration de la jaquette, montrant Maya Angelou qui fait des plantations, en 1988, dans son jardin californien de Pacific Palisades. Sorte de supplément à Je sais pourquoi chante l’oiseau rare, récit de sa jeunesse difficile dans une Amérique ségrégationniste, prolongement de Tant que je serai noire, évocation de son militantisme pour les droits civiques, ce livre, quoique appréciable évidemment, est peut-être moins essentiel, moins fondamental disons, que ces autres ouvrages qui lui ont valu de recevoir en 2013 le National Book Award pour « service exceptionnel rendu à la littérature américaine ». Entre « des histoires légères pour (…) faire rire et des histoires graves qui (…) feront penser », datant de diverses époques, de la prime jeunesse à la maturité et au grand âge, elle élève l’anecdote au rang de méditation.
De son expérience elle invite à tirer, sinon des leçons de vie, du moins des enseignements à partager, une ligne de conduite à tenir dans le respect des uns, des autres, et tout autant de soi. Malmenée par la vie, et d’abord par des hommes violents, bousculée au contact d’autres cultures lors de ses voyages en Afrique, ulcérée par certains comportements (vulgarité des comiques, obscénité des politiques), Maya Angelou dit faire chaque jour l’apprentissage de la dignité, de la fierté, de l’humilité. Dans cette succession de textes brefs – saynètes, poèmes, discours… –, un passage en particulier éclaire les origines de son écriture. Si l’on a coutume de dire, à raison, que c’est l’écrivain James Baldwin qui l’a sérieusement poussé à écrire au lendemain de la mort de Martin Luther King (assassiné le 4 avril 1968, le jour même où elle fête son quarantième anniversaire), il semblerait qu’un autre homme ait précédemment créé en elle un déclic : Frederick Wilkerson, son professeur de chant. Chanteuse et danseuse, elle a alors 25 ans. En proie à une pulsion suicidaire, Maya Angelou débarque chez lui, chamboulée, comme hystérique. « Wilkie » la fait asseoir et l’oblige encore et encore à faire des lignes, à écrire comme l’on dit des grâces. L’encre pour s’exprimer, pour expulser des idées noires. Là est apparemment la scène primitive : « La folie de l’écriture s’était déclenchée. Depuis, j’ai écrit plus de vingt-cinq livres, une cinquantaine d’articles, des poèmes, des pièces de théâtre, des discours, tous rédigés d’abord au stylo à bille sur un bloc de papier jaune ». Ceux-là même que Wilkie lui avait mis entre les mains en ce jour si critique.
Célébrant la bienveillance pour autrui, Maya Angelou ne tait pas pour autant ses ratés, ses manquements – et fort heureusement, sans quoi c’eût été prêchi-prêcha. Angelou n’est pas angélique ; elle fait avec les manifestations d’orgueil, avec la colère, ce « calamar géant » tentaculaire, qu’elle tente de sublimer, de surmonter en cherchant « l’image qui pourrait (l)’aider à guérir ». Une de ces images, et ce n’est pas un hasard, c’est celle de l’envol, qui revient dans les dernières pages : « Je suis un grand oiseau qui déploie ses ailes au-dessus des hautes montagnes et plonge vers les vallées sereines ». Prendre son envol, s’émanciper, encore et toujours, décidément l’aiguillon d’une vie de combats. « Transformez le monde », tel aura été son credo. Anthony Dufraisse

Lettre à ma fille, de Maya Angelou
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Emmanuelle Robicquet, préface de Dinaw Mengestu, Notabilia, 137 pages, 15

Lignes de vie Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°178 , novembre 2016.
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