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Essais La magie barthes

février 2017 | Le Matricule des Anges n°180 | par Richard Blin

Il nous aura réappris à lire, à voir et à sentir. À dire « je », à considérer le texte comme corps de désir vivant. Claude Coste nous dit au prix de quels détours.

Roland Barthes ou l’art du détour

Qui de nous n’a sa table intérieure de goûts, de dégoûts, d’indifférences ? interroge Barthes dans La Chambre claire, avant d’ajouter : « J’ai toujours eu envie d’argumenter mes humeurs ». Non pour les justifier, continue-t-il, encore moins pour emplir de mon individualité la scène du texte, mais au contraire « pour l’offrir, la tendre cette individualité, à une science du sujet, pourvu qu’elle parvienne (ce qui n’est pas encore joué) à une généralité qui ne me réduise ni ne m’écrase ». Ces humeurs singulières d’homme qui sait qu’« on échoue toujours à parler de ce qu’on aime », ce « je » barthésien qui ne veut qu’éveiller en chaque lecteur la même soif de (se) comprendre, Barthes en a fait un matériau de recherche et d’élucidation ainsi qu’un sésame dans son approche de l’acte de dire et de l’art d’écrire. Déjà auteur de Bêtise de Barthes (Klincksieck, 2011) (un titre à entendre surtout comme la bêtise selon Barthes, un livre où est montré combien la subjectivité est une construction contre les lieux communs – « Je suis bête quand je laisse la doxa penser à ma place, quand je répète ce qui se dit parce que ça se dit » –, contre « l’empoissement » du prêt-à-penser et du prêt-à-sentir), Claude Coste s’attache, aujourd’hui, à indiquer combien pour se dire ou dire le monde, Barthes a eu besoin d’emprunter des détours : ceux de l’enseignement, de la critique littéraire ou de la littérature.
Dans une première partie consacrée à l’enseignement – Barthes a enseigné dans le secondaire, à l’étranger (Roumanie, Égypte, Maroc), à l’École des hautes études puis au Collège de France –, Claude Coste explique comment les cours puis les séminaires ont été pour Barthes un détour vers la littérature, une sorte de « détour du détour », un lent cheminement conduisant au seuil du livre. En ne cessant de placer la littérature au cœur de son enseignement – et à défaut d’écrire –, Barthes en théorise le désir et la nécessité. Se refusant à rompre le cordon qui relie l’œuvre à la réalité extérieure, il pense la vie avec le livre. Pour lui, la vie, l’enseignement et l’écriture ne sont pas séparés. D’où l’omniprésence de la mort – pierre de touche à partir de laquelle s’évalue toute action humaine –, de la mère et de l’affectivité sans laquelle ni la pensée ni l’écriture ne sont possibles. D’où aussi son plaidoyer pour la pluralité des sens, son apologie de la lecture plaisir et son éloge de la littérature « comme moyen privilégié de ruser avec la langue et d’établir un véritable espace de liberté face à la tyrannie des signes ».
La lecture, Barthes la lie étroitement à l’écriture. C’est en prolongeant ses lectures, en argumentant ses humeurs de lecteur qu’il a développé un essayisme critique « qui fait entendre une voix singulière au détour d’autres voix ». La deuxième partie du livre s’intéresse aux lectures de Barthes, à la manière dont il transforme sa lecture en écriture. Chez Proust, dont l’œuvre lui tend un « miroir fraternel », Barthes découvre comment « ça s’est mis à prendre », comment on écrit La Recherche. De sa lecture de Sartre, il tire la conviction que le choix de l’émotion est préférable à l’engagement. Si, pour Sartre, la littérature est action, elle est fondation pour Barthes, elle est le seul lieu où le sujet puisse se construire une identité en se dégageant des discours collectifs. En tant qu’éthique de la lucidité, et comme art du détour, elle est cette forme acceptable de magie – celle qui rend toute sa saveur à l’imaginaire – qui transcende l’émotion en combinant le monde et le hors monde, la fuite et la présence. Chez Georges Bataille, c’est le prosateur qui expérimente des formes ambiguës, entre narration et démonstration, qui intéresse Barthes. C’est qu’à la brutalité de la transgression, il préfère opposer les raffinements de la « subversion subtile », telle celle qui, en pleine révolution sexuelle, consiste à réintroduire le sentiment amoureux, à utiliser Bataille au service de l’amour.
Enfin, dans une dernière partie, Claude Coste fait dialoguer, de manière plus indirecte, Barthes avec Jean-Pierre Richard, autre adepte du plaisir du texte, et dont la critique « que l’on pourrait appeler tactile, implique la chaleur d’une adhésion et d’une affection ». Avec Bernard Dort aussi, à qui le lia, un temps seulement, une même passion pour le théâtre, car c’est en renonçant au théâtre que Barthes changea son statut d’écrivant pour un statut d’écrivain. Avec Mandiargues, enfin, avec qui il partagea la même admiration pour « l’art extraordinaire de la combinatoire, qu’exalte l’œuvre d’Arcimboldo ».

Richard Blin

Roland Barthes ou l’art du détour, de Claude Coste, Hermann, 278 pages, 29,50

La magie barthes Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°180 , février 2017.
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