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Essais On ne décode jamais assez

juin 2017 | Le Matricule des Anges n°184 | par Richard Blin

En analysant les premières phrases de romans ou de pièces de théâtre très connus, Laurent Nunez nous livre une célébration de la littérature.

L' Énigme des premières phrases

Voici un petit livre à la couverture rouge sur lequel tous les professeurs de lettres devraient se précipiter. Un livre qui propose de tout reprendre par le début, le moment où ça commence, autrement dit l’incipit. D’où le projet de vraiment lire les premières phrases de quelques chefs-d’œuvre de la littérature française, de s’attarder à cette première phase de l’immersion dans une œuvre, de s’intéresser aux enjeux de ce moment où un contact intime s’établit entre le lecteur et le livre. « Que se passerait-il si, convoquant toutes les ruses, on pratiquait sur ces énoncés cristallisés par la gloire une microlecture abrasive ? » C’est ce défi que relève avec brio Laurent Nunez – déjà auteur de deux essais sur la littérature : Les Écrivains contre la littérature (José Corti, 2006) et Si je m’écorchais vif (Grasset, 2015) – dans L’Énigme des premières phrases.
Sa méthode consiste à « voir le langage », à lire l’écrit dans la ligne même de sa suite, mot après mot, signe de ponctuation après signe de ponctuation. « Aujourd’hui, Maman est morte. » ; « La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse. » ; « DOUKIPUDONKTAN, se demanda Gabriel excédé. » ; « Rien, cette écume, vierge vers / À ne désigner que la coupe » ; « Lol V. Stein est née ici, à S. Tahla, et elle y a vécu une grande partie de sa jeunesse. » Chaque phrase est regardée, écoutée, saisie dans le tramé le plus étroit de son existence textuelle, lue dans chacun de ses détails. « Chaque phrase est un coffre dont les clés seraient forgées par la grammaire, l’étymologie, les figures de rhétorique. » Et, comme magiquement, au fil d’une approche dénuée de tout jargon et souvent teintée d’humour, la phrase se déplie, s’offre sous tous ses angles. Un dévoilement, une mise à nu qui montre de quel pluriel elle est faite, comment elle s’organise, prend son sens et sa perspective. Qui démontre combien les contradictions ou les paradoxes ne sont qu’apparents et surtout pleins d’enseignements. Sous le visible s’affichent des présences cachées, des positions, des points de vue, des postures.
L’on découvre ainsi, par exemple, comment l’ouverture de Dom Juan cache la préface secrète par laquelle Molière, se relevant de l’interdiction de Tartuffe, crie à tous « son refus de se plier à toutes les règles, et son art d’instruire en faisant rire ». On comprend aussi, en sachant décoder l’incipit des Confessions de Rousseau, pourquoi la vérité n’est pas de l’ordre de la littérature, ou comment, chez Baudelaire, « tout est à double tranchant ». On voit comment, dans la première phrase de Bouvard et Pécuchet, Flaubert titille la bêtise en chacun de nous, lui qui avoua l’avoir écrit, ce livre, « de manière à ce que le lecteur ne sache jamais si on se fout de lui ou non ». Une entrée en matière qui est une façon de faire de cette ouverture « une clôture – pour se mettre à l’abri de la bêtise ». Quant à la phrase liminaire de Germinal, on verra comment elle permet à Zola de rappeler que « les mots seuls entrent en résistance avec le néant – même lorsqu’ils redisent le néant ». D’ailleurs, ajoute Nunez, « les grands incipit miment souvent ce beau mouvement de rage, où tout à la fois l’auteur, le personnage et le livre s’extirpent du néant ». Gide, lui, cache dans le début des Faux-Monnayeurs, « une machine de guerre contre le réalisme » qu’il exécrait.
Quinze microlectures qui distillent un savoir-lire aussi passionnant que savant, qui rappellent que lire c’est toujours lire entre les lignes et que la littérature est d’abord et avant tout une affaire de jouissance et de plaisir.

Richard Blin

L’Énigme des premières phrases, de Laurent Nunez, Grasset, 208 p., 18

On ne décode jamais assez Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°184 , juin 2017.
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