Douzième titre de poésie croate traduit en français par les éditions L’Ollave, Virgule d’été est composé d’un choix de Unique occupation (2013). Le sous-titre de ce dernier livre, « visions, fantaisies, utopies », frappe en ce que son mot central, pourtant écrit, semble absent. Ou bien la fantaisie de son auteur, Miroslav Micanovic (né en 1960), doit-elle être cherchée plus finement entre les linéaments dramatiques de ses vers ? Car l’air de rien de ses poèmes, aux descriptifs ras, parfois prosaïques, mais toujours tendus vers le surgissement d’énigmes calmes, est hanté par les guerres, les deux premières, mais aussi, suppose-t-on, par celle qui déchira l’ex-Yougoslavie. La peur traîne toujours auprès de situations communes : des hommes traversent un pont, un autre se balance, des noms se succèdent, un forgeron, une maison à vendre, un été, etc., elle rôde insidieusement, un couteau brille, une balle va mettre à terre un jeune taureau. À la fin du volume, un tombeau lui est offert : « un jeune taureau noir / massif se tient debout au milieu / de la blancheur irréelle / et attend ».
Ailleurs, le poème devient une suite de courtes phrases hachées, entre la sueur, l’exhibition des corps, la blessure et le mauvais arbitre. C’est le seul à faire dégringoler la violence factuelle ainsi. Comme une écharde fichée au milieu du livre. Les autres poèmes déploient des récits, mais les ajourent de glissements sémantiques énigmatiques, tel ce « Tous les matins, il ouvre / le livre de l’été. Le corps muet / du texte. // La joie était assurée / sur le seuil de la maison ». Ou encore ceci, qui annonce une scène dont on ne saura rien : « Sobre, une nuance de vert / clair, contre le grand mur de la / cuisine d’été. // En attendant que la porte s’ouvre et / que les invités arrivent », sinon ceci : « L’été sur la route. L’automne pour les meurtres / et l’hiver pour le départ ». En attendant, « Des gars dangereux », ainsi que « L’été » soulèvent la pitié et la colère, mais le go-between d’une « virgule d’été » veille au creux du livre, et appelle, après la honte, à un « indicible espoir » (Rilke).
E. L.
Virgule d’été, de Miroslav Micanovic
Traduit par Vanda Miksic et Brankica Radic, L’Ollave, 68 pages, 14 €
Poésie Virgule d’été, de Miroslav Micanovic
juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Virgule d’été, de Miroslav Micanovic
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°185
, juillet 2017.