Il est des écrivains, voyageurs notamment, ayant vécu moult aventures, présentant fières allures, un côté sexy et accumulant reconnaissance et gloire littéraire. D’autres, ouvriers ou paysans, qui n’ont jamais quitté leur terre et resteront à jamais des oubliés de la littérature. Il en est ainsi de Marcelle Delpastre (1925-1998), née et morte à Germont, commune de Chamberet (Corrèze) où elle a toujours vécu.
Difficile d’échapper à certains atavismes, à une mère ayant « un sentiment de rejet pour tout ce que je pouvais être “d’autre”. » Après une enfance heureuse, baignée de contes, de traditions, la petite Marcelle partira en pension à Brive pour préparer un bac français-philo, la guerre en toile de fond. « Je roulais les r, terriblement-férocement, plus dur qu’on ne casserait des pierres à coups de masse. C’était des r secs, roulés de la langue, à l’occitane. » Fervente lectrice, consciente de sa singularité, voire de sa non-conformité, hyper-sensible, « ouverte au monde par tous les sens, par tous les pores », elle intégrera l’École des Arts décoratifs à Limoges. Abandonnera au bout de deux ans pour se consacrer à la vie de la ferme et à l’écriture en occitan et en français. La femme au tracteur, béret engoncé jusqu’aux oreilles délivrera une œuvre conséquente ou un grand œuvre, le masculin et le féminin se mêlant, créant en occitan une alchimique neutralité. Ses écrits se caractérisent par une volonté farouche de restituer le souvenir d’un monde, d’une socialité, d’une langue qui s’effacent, un rapport philologique vivant à l’oralité, ethnologique aussi et d’affirmer une poésie toute cosmique, intimiste, métaphysique. Le recueil Saumes pagans (Psaumes païens), publié en 1974, lui permet d’accéder à une première notoriété. Elle écrira aussi des contes, des mythologies rurales, des ethnographies, du théâtre et des recueils de Mémoires. Dans l’étable, au milieu des champs, calant ses feuillets sous de grosses pierres « Delpastre écrit n’importe où, n’importe quand. Urgence oblige ! Le cahier d’écolier plié en deux dans la poche et le crayon ne la quittent jamais. » Miquelà Stenta, auteure de livres sur la société occitane médiévale, ses valeurs, la place de la femme, les trobaritz, délivre un portrait clair, vif, humain, agencé en de multiples thématiques, toujours au plus près des écrits de cette paysanne atypique et de son âme. Une somptueuse chambre d’échos à « la Marcela », aux pieds dans le fumier et la tête dans les étoiles. « C’est parce qu’elle communie avec l’essence de la vie et des éléments, que le local et l’universel ne font qu’un. » Les photographies de Charles Camberoque rendent, elles, en clairs-obscurs ou en francs éclats de rire toute la gravité et la complexité du personnage. « Je suis l’ultime feuille du vieil arbre, et c’est pourquoi je chante à tous les vents. »
Marcelle Delpastre est-elle une victime de non-choix ? En dehors de la littérature, il semble que toutes les autres orientations lui aient...
Entretiens Elles au masculin
mai 2018 | Le Matricule des Anges n°193
| par
Dominique Aussenac
Par un ouvrage aussi docte que lucide et tendre, Miquèla Stenta rend hommage à l’une des plus grandes plumes de la littérature occitane, Marcelle Delpastre, disparue il y a vingt ans.
Un auteur
Un livre