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En grande surface Le bon groin et l’ivraie

juin 2018 | Le Matricule des Anges n°194 | par Pierre Mondot

Afin qu’elles ne scient pas tout à fait la branche généalogique où elles se trouvent assises, les producteurs de films pornographiques suggèrent aux comédiennes débutantes de s’inventer un alias. Certaines se portent vers des signifiants exotiques et précieux, d’autres, plus soucieuses de créer une proximité avec le public, revêtent un patronyme neutre, mais mémorisable, emprunté à un nom de rue ou de ville. La jeune Brigitte Vanmeerhaeghe pencha pour la seconde solution : c’est sous le nom de Lahaie qu’elle s’affiche au générique de Je suis une belle salope (1977, Gérard Vernier). L’actrice raconte avoir réalisé le motif inconscient de ce choix bien plus tard, sur un divan, après une interpellation finaude de son analyste : « Ta mère tu la hais tant que ça ? »
Reconvertie dans les médias, elle officie désormais à l’antenne de Sud Radio où elle reprend de façon diurne le flambeau porté autrefois par Macha Béranger. Quotidiennement, elle prodigue des conseils avisés aux auditeurs que leur sexualité taraude. Forte de sa double expérience porno et radio, Brigitte Lahaie publie aujourd’hui un essai, Le Bûcher des sexes. Elle y exprime la colère et l’inquiétude provoquées par le phénomène #Balancetonporc. Prophétisant qu’à court terme on conduira l’ensemble des hommes sur le bûcher du titre. Les y suivront ces filles, complices, qui attisent leur concupiscence en avouant « qu’elles aiment ces regards de convoitise ». Face à ces pyromanes hystériques, l’animatrice se campe en bergère héroïque et tente, avec le bois de l’échafaud, d’édifier un refuge pour ses petits cochons.
Le mouvement de libération de la parole tourne à la « chasse aux sorcières », dénonce-t-elle. Désormais, « chacune cherche son porc » et dans « le contexte que nous connaissons (…) une femme qui aura eu un rapport sexuel sans orgasme pourra imaginer qu’elle a été violée ! » Gare à la surpopulation carcérale. La ménagère récite à présent son harcèlement avec autant de verve que son accouchement et celles qui ne peuvent exhiber leurs stigmates en deviennent suspectes. Chaque jour, la liste des proscrits s’allonge de personnalités improbables. Elie Wiesel. Pierre Joxe. Pierre Bellemare (ça va, on peut rigoler). Ou même, comme si le siècle ne suffisait pas, Charles Perrault : une avocate américaine exige une mise à l’index du conteur au prétexte que le baiser du Prince n’a pas reçu le consentement de la belle au bois dormant (le fuseau où elle s’égratigne contenait du GHB).
Selon l’auteure, il faut voir dans ces débordements la conséquence d’une société victimaire dans laquelle la recherche de boucs émissaires formerait l’ultime rempart à la dépression. L’héroïne de Inonde mon ventre (1977, Jean Lefait) s’alarme de la course effrénée du monde et regrette l’époque du flirt, « qui permettait à la séduction de s’exprimer et aux désirs de se laisser découvrir ». Le cinéma porno aussi a changé. Une succession « d’images dégradantes de pénis monstrueux, de vagins et d’anus dilatés ». C’est juste. Le genre suit une évolution comparable à celle des émissions culinaires. Si l’on pouvait autrefois reproduire sans peine la recette de blanquette divulguée par Maïté, les appareillages compliqués proposés par les programmes actuels paraissent inaccessibles. À l’heure du dressage de sa pièce montée, le spectateur se sent humilié et perd toute estime de soi.
Nos mâles sont bons, proteste Brigitte avec fougue. Au point de recourir parfois à des arguments voisins de la propagande colonialiste, ou des slogans de l’entreprise Moulinex : « Nous le savons fort bien, ce sont les hommes qui ont sans nul doute contribué aux avancées en faveur de la condition des femmes, bien avant les femmes elles-mêmes » (forcément, elles étaient au lavoir).
Cet hiver, les artificiers de BFM convièrent notre essayiste à un crêpage de chignon avec Caroline De Haas, féministe urticante, rompue aux pugilats audiovisuels. Malmenée tout au long de la joute, l’actrice s’en sortit in extremis avec un coup placé sous la ceinture : « On peut jouir lors d’un viol, je vous signale ! » Une vérité « médicalement reconnue » par « de nombreux spécialistes » réaffirme-t-elle dans son livre. Qu’importe. Une autre vérité éclate à l’instant du plan de coupe sur le visage de son adversaire (plus ou moins Le cri de Munch) : on peut jouir grâce à BFM. Violemment critiquée pour cette punch(border)line, Brigitte confie s’être sentie « encerclée par une meute de chiennes ». La séquence se clôt quelques jours plus tard : sommée de rendre des comptes par un vigile de TV5 Monde, elle s’effondre en direct : « mon cœur saignait toutes les larmes de mon corps… »
Clap. L’unique film pornographique de toute sa carrière.

Pierre Mondot

Le bon groin et l’ivraie Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°194 , juin 2018.
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