Seuls les initiés, parieurs occasionnels ou turfistes chevronnés, apprécieront-ils ce livre consacré aux courses hippiques ? Les profanes totalement étrangers à cet univers-là se passionneront aussi – mais oui, la séduction opère. C’est que le journaliste Olivier Villepreux, ex-plume de Libé ou de L’Équipe notamment, n’a pas son pareil pour nous introduire dans un monde bien à part, fonctionnant en vase clos, et nous ouvrir grandes les portes des écuries et des hippodromes. À sa suite on découvre « les mœurs des courses », quelques personnages excentriques. Il rencontre entraîneurs, éleveurs, instances dirigeantes et cavaliers, liés par un même fluide : « Je crois que le moteur des gens des courses réside dans cette faculté à aimer vivre sur le fil du rasoir tous les jours ensemble, tout en étant dans une concurrence féroce. » Cependant le plus intéressant n’est peut-être pas tant de se glisser dans la coulisse du « gotha des pur-sang » que de prendre une certaine hauteur, culturelle disons : « Les sports équestres et hippiques sont une façon de faire exister pleinement les chevaux dans notre société. » Villepreux voit bien au-delà en effet du seul écosystème des courses ; il observe notre rapport au temps et au monde, et même notre humanité, au miroir de l’équidé. « Les chevaux ont des pouvoirs occultes sur les humains », assure-t-il, ne cessant de « pressentir la profondeur du sujet » qu’il traite journalistiquement, à la première personne. Et il est à son meilleur quand, quittant les sentiers de l’enquête proprement dite, il s’aventure, alors véritable écrivain, dans la voie d’un récit plus personnel, subtilement impressionniste. Ce sont, ici et là, parenthèses trop courtes, des « souvenirs flous mais persistants » qui remontent, ou des sensations intimes qu’on aurait aimé plus qu’esquissées. Témoin privilégié des spécificités et des syndromes du microcosme hippique, Villepreux en est surtout l’intelligent et sensible greffier. A.D.
Sur l’herbe verte de l’hippodrome
d’Olivier Villepreux
Anamosa, 254 pages, 20 €
Domaine français Sur l’herbe verte de l’hippodrome
novembre 2018 | Le Matricule des Anges n°198
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le Matricule des Anges n°198
, novembre 2018.