Montréal, dans « le clignotement des écrans lumineux, les fruits multicolores qui tournoient et le tic-tac des crédits qui s’accumulent à mesure que se succèdent les combinaisons gagnantes ». Stéphane connaît avec une précision maladive chaque machine de chaque bar de la ville. Car en plus d’être un étudiant en arts, de gagner un peu d’argent dans un restaurant et d’adorer le métal, il est un joueur assidu. Une passion trop vite devenue addiction, qui le propulse au cœur d’une « spirale de déni et de pertes ». Ses dettes s’accumulent, il fuit son appartement impayé depuis des mois, et oublie de se rendre en cours. Seul son rôle de plongeur à La Trattoria, qui le libère au milieu de la nuit trempé de graisse et au bord de l’épuisement, fait office de « sanctuaire » où le jeu n’a plus sa place. Le roman nous offre une incursion presque étouffante dans ces sous-sols survoltés, où les assiettes et les injures (québécoises – ostie, câlisse, crisse) défilent avec un rythme effréné. Les personnalités fortes, comme Bébert l’ancien polytoxicomane, Greg le caïd ou encore Séverine la patronne tyrannique, se détachent de cet univers grouillant, où les clients sont rois. La cacophonie de l’équipe, qui hante les rues de Montréal jusqu’au petit matin, contraste avec l’extrême solitude du jeu, dans laquelle le narrateur rechute sans cesse. « Il y avait les mises, ma main, le tapis vert. Il y avait le lent fonctionnement silencieux du cosmos, les nébuleuses du hasard et le temps qui s’effondrait sur lui-même sans fin. »
Roman initiatique d’une jeunesse égarée, Le Plongeur nous entraîne dans une spirale infernale de chutes et de rechutes, de mensonges et de pertes. Distingué par le Prix littéraire des libraires du Québec 2017, il est aussi un hymne presque hypnotique à Montréal et à son monde de la nuit.
Camille Cloarec
Le Plongeur, de Stéphane Larue
Le Quartanier, 569 pages, 22 €
Domaine français Nocturne Montréal
février 2019 | Le Matricule des Anges n°200
| par
Camille Cloarec
Un livre
Nocturne Montréal
Par
Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°200
, février 2019.