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Histoire littéraire Les très riches heures de Richard le Gallois

janvier 2021 | Le Matricule des Anges n°219 | par Jérôme Delclos

Où Richard Burton (1925-1984), loin du mythe, se montre un diariste érudit, curieux de tout et en recherche permanente de soi.

Né Richard Jenkins dans un bled gallois, douzième d’une famille de treize enfants, fils de sa mère morte quand il avait 2 ans et de son « douze-pintes-par-jour  » de père mineur de fond, élevé par une grande sœur et instruit par son mentor Philip Burton dont il prendra le nom, « Rich » a tenu un journal dès l’âge de 14 ans. De l’édition des Diaries en 2012 par l’Université de Yale, Séguier retient les années les plus denses, de 1965 à 1971. En somme, les années Liz Taylor. Chaque date occupe de trois pages à… une phrase comme ici : « Lundi 15 novembre 1971 : Ce soir nous dinons avec Peter Sellers et un mystique indien qui prédit l’avenir et qui, dixit Peter, s’appelle Gandhi ». Heures de lever, de coucher, mets et boissons consommés, lectures, rencontres, tournages, choses vues ou entendues. Les cuites de Liz, les hauts et les bas de leur couple. Les soirées du tout-Hollywood, de la duchesse de Windsor où Burton s’ennuie, boit trop lui aussi (« Juste totalement bourré »), provoque son hôtesse : « j’ai dit à la duchesse hier soir : « Vous êtes sans conteste la femme la plus vulgaire que j’aie jamais rencontrée » ».
Trois bouteilles de vodka par jour et une centaine de mégots dans le cendrier, les coups et blessures échangés avec Taylor et leurs réconciliations : la légende est trop connue. Loin des ragots qui ont construit le mythe, le Journal intime livre un Burton non pas moins sulfureux mais plus vrai, plus complexe parce que pétri de ses doutes et ses contradictions. On songe, nonobstant la distance de trois siècles, à Samuel Pepys, d’autant que pour conclure le récit de l’une de ses journées Burton le parodie ─ « Sur ce, au lit à la Pepys  » ─ en clin d’œil à l’une de ses formules rituelles. Le monstre sacré des sixties montre le même scrupule que le diariste des années 1660 à détailler « un gros brunch », à faire son propre éloge (« Me suis montré assez désopilant et ai raconté des histoires interminables, c’est-à-dire des histoires qui n’avaient littéralement pas de fin  »), ou à noter ce que sa femme pense de lui : « Samedi soir, E. a dit qu’elle regrettait de m’avoir épousé et tout ça parce que j’avais dit qu’elle était une conyn (en gallois, une hypocondriaque geignarde) ». Mais tandis que Pepys cryptait son Journal et le cachait à son épouse, Burton au contraire le laisse ouvert à Liz qui peut y intervenir, pourquoi pas en gallois : « Bach gan [bachgen : garçon], je t’aime ». Un soir, alors qu’il exprime sa hâte à aller travailler le lendemain, elle lui rétorque, piquée au vif : « Espèce de connard mal luné ! Moi aussi, comme ça je ne t’aurai pas sur le dos ! »
Plus encore que dans les réflexions sur son métier, entre une carrière plus ou moins regrettée de comédien shakespearien et celle, qu’il méprise, de star de cinéma, c’est dans la notation des détails du quotidien que Burton est un vrai diariste, de surcroît cultivé, grand lecteur (Gibbon, une foule de poètes dont Rimbaud et Baudelaire en français, Dickens, Octavio Paz, etc.), citant Shakespeare qu’il a si souvent joué, John Donne, Yeats, Thoreau, son ami gallois Dylan Thomas, et souvent la Bible. « Ce journal n’est écrit que pour moi », lâche-t-il, mais aussi : « J’ai tellement de livres à écrire que je finirai sans doute par n’en écrire aucun ». Il n’aura eu de cesse durant toute sa vie, même avec des pauses, d’écrire celui-ci.
Pierre Pachet dans Les Baromètres de l’âme définissait le journal intime comme « un écrit dans lequel quelqu’un manifeste un souci quotidien de son âme ». À suivre Burton au jour le jour, la magie du journal intime y opère, qui nous manifeste cette chose légère, ailée et volatile : une âme.

Jérôme Delclos

Journal intime
Richard Burton
Sous la dir. de Chris Williams
Traduit de l’anglais par Alexis Vincent & Mirabelle Ordinaire
Séguier, 589 pages, 24,90

Les très riches heures de Richard le Gallois Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°219 , janvier 2021.
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