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Histoire littéraire Portrait d’un diariste en jeune chien

mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223 | par Jérôme Delclos

Galères, gaffes et gonorrhée : les débuts à Londres du turbulent écossais James Boswell (1740-1795) se racontent dans un journal très piquant.

Amours à Londres - Journal 1762-1763

Sitôt révélé en 1950 par l’université de Yale, le Boswell’s London Journal 1762-1763 se pose en best-seller, avec rapidement un million d’exemplaires vendus. Réédité en 2010 par Penguin, c’est désormais un classique de la littérature anglaise. L’histoire des Boswell Papers est romanesque. Boswell était certes bien connu comme le biographe du critique Samuel Johnson, pour sa défense de la Corse, et pour son rôle, à 26 ans, dans la fuite de Rousseau en Angleterre auprès de David Hume. Mais ses descendants avaient occulté les écrits intimes de Boswell, en avaient même arraché des pages à l’époque victorienne. Complet, ce Journal de Londres aura échappé à la censure familiale. Sur les treize volumes des Boswell Papers, trois sont disponibles en français dont le Journal, pour lequel Les Belles Lettres a fait le choix du titre Amours à Londres.
Né à Edimbourg, James est le fils d’un propriétaire terrien calviniste à qui il cause du souci. Un premier séjour de trois mois à Londres, à l’âge de 19 ans, le fait se convertir au papisme. Il se rêve moine, si bien que son père affolé le rapatrie à Edimbourg pour qu’il y fasse son droit. De retour à Londres trois ans plus tard, le fantasque jeune homme, le 15 novembre 1762, commence son Journal : « Je dirai toujours la vérité et je passerai sous silence ce qui nécessiterait le vernis du mensonge ». Il ne sera pas moine, s’avoue plutôt pressé de jeter sa gourme, ce dès une semaine après son arrivée : « Il est dur de devoir se passer de femme dans une ville comme Londres. J’ai arrêté une fille dans le Strand et je l’ai entraînée dans une cour. J’avais l’intention de jouir d’elle en cuirasse, mais elle n’en avait pas, ni moi non plus ». La « cuirasse »  ? Le fameux condom dont on use à l’époque pour se préserver de la syphilis, dans une ville où une femme sur cinq est une prostituée. L’Irlandais Samuel Derrick, ami de Boswell comme on le voit dans le Journal, y actualise chaque année depuis 1760 la Harris’s List (8000 ex.), qui recense – adresses, mensurations, spécialités – plus de 150 prostituées du seul quartier de Covent Garden où James courtise vite « Louisa », une comédienne « douce et belle » : « Je ressentais tous les tourments du véritable amour ». Il lui fait des cadeaux, lui consent des prêts. L’ingénue lui cède le 12 janvier. Sept jours plus tard, le réveil est cuisant : « Ce n’est que trop clair, me voici en proie au signor Gonorrhée. Pourtant je puis encore à peine y croire ».
Sur ces naïvetés juvéniles, ses frasques, sa mélancolie aussi malgré l’humour, Boswell dit tout sans rien cacher. Il va, durant neuf mois, mener une vie agitée, collectionnant aussi bien les aventures dans son milieu que les amours tarifées, parfois gaies (« prudemment cuirassé, je me livre à la fornication avec une fille de joie robuste et rebondie, du nom de Nanny Baker »), souvent tristes et coupables avec de pauvres filles. Écossais, il dépeint ses compatriotes sans complaisance, mais s’indigne lorsque les Londoniens les maltraitent. Politiquement conservateur, le spectacle d’une exécution publique le révulse pourtant : il sera plus tard un avocat défenseur des faibles, et très marqué, en 1775, par la pendaison de son client John Reid, un voleur de moutons.
Le Journal ne nous épargne ni les soucis d’argent, ni les pitoyables bévues de Boswell. Il parle trop, le sait, tente en vain de se corriger. Dans une feuille de chou qu’il a créée avec des amis, il publie tout le mal qu’a dit, mais en privé, David Hume d’un auteur de théâtre. Fureur noire du philosophe. Qu’à cela ne tienne, il lui soutient qu’il citait un « David Hume, libraire à Glasgow, bien connu de par sa profession dans le monde des lettres ».
Boswell est un vrai diariste, qui prend au sérieux son Journal. « Je n’y relaterai plus les incidents insignifiants de la vie quotidienne, mais seulement ce qui en vaudra la peine », écrit-il en conclusion de sa page du 6 juin 1763. Avec cet humour à froid qui le caractérise, il réduit celle du lendemain à la note suivante : « Je n’ai fait que lire, manger, boire et me promener ».

Jérôme Delclos

Amours à Londres
James Boswell
Traduit de l’anglais par Marie-Christine Blanchet
Les Belles Lettres, 377 pages, 14,50

Portrait d’un diariste en jeune chien Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°223 , mai 2021.
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