Antonio Moresco, le grand incendiaire
En ce début d’automne, il cavale entre la France et l’Italie. Ici pour présenter Les Ouvertures dans les librairies françaises, là-bas à l’occasion de la sortie de Corpo a corpo, un essai sur les grandes figures littéraires qui ont compté pour lui, de Sylvia Plath à Dostoïevski, ainsi qu’un CD de textes inédits, Stelle in gola. Grâce à l’entremise de son traducteur et ami Laurent Lombard, que l’on remercie encore de son aide inestimable, cet entretien avec Antonio Moresco a néanmoins pu avoir lieu à distance.
Antonio Moresco, nous vous avons découvert en France en 2014 avec La Petite Lumière, mais il s’agit en réalité d’un texte relativement tardif, publié en 2013 en Italie, et postérieur aux Ouvertures qui paraissent aujourd’hui chez Verdier. Pouvez-vous clarifier la chronologie d’apparition de ces textes ?
Lorsqu’à 30 ans j’ai repris mon rêve de littérature, j’ai compris que moi aussi je pouvais avoir une place dans le monde. Que cette place se situait dans la littérature. De nombreuses années se sont toutefois écoulées avant que j’émerge en tant qu’écrivain. J’ai passé quinze ans à être rejeté par les éditeurs italiens auxquels j’ai envoyé mes livres, petits et grands. Et puis soudain, un éditeur a accepté de faire entendre ma voix. Voilà pourquoi mon premier livre (Clandestinità), que j’avais écrit à l’âge de 30 ans, et les suivants sont sortis quand j’avais déjà 45 ans.
Abordez-vous l’écriture au travers de la forme brève (comme les contes de Clandestinità ou La Petite Lumière) ou par la forme massive et totale des trois gros volumes de la trilogie Giocchi dell’eternità dont Les Ouvertures constitue le premier volet ?
J’ai commencé à écrire en me servant de la forme courte, puis, à un certain moment, l’horizon s’est ouvert à moi et je me suis mis à écrire ce livre, Les Ouvertures, qui s’est imposé dans sa forme longue, et qu’il m’a fallu quatorze années pour écrire. Cela pourrait sembler absurde que, alors que les éditeurs n’acceptaient pas mes romans courts, je me mette à écrire un livre aussi vaste et à lui donner même ce titre qui prenait à contre-pied une partie des discours ambiants de l’époque, qui ne cessaient de prophétiser la mort du roman, la mort de la littérature. Qui soutenaient que tout était fini, consommé, que ni l’épopée ni le tragique n’étaient plus possibles, que tout avait été dit et fait, qu’on ne pouvait qu’assembler des matériaux littéraires préexistants. En somme, qu’on ne pouvait plus faire que du bricolage posthume. Moi, au contraire (ce sont d’ailleurs les premiers mots des Ouvertures), invisible, inconnu, souterrain, désarmé, j’ai ressenti le besoin de dire que tout était encore possible, que la vie se ferme et se rouvre sans cesse par des lacérations, des blessures. Et qu’il en va exactement de même pour la littérature.
Les Ouvertures a été suivi par un autre texte, intitulé Canti del caos, qui en est en quelque sorte la suite explosive et lyrique, que j’ai complété...