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Essais Vers un nouveau désordre

janvier 2022 | Le Matricule des Anges n°229 | par Éric Dussert

Tarte à la crème, chutes idiotes et hoquets carabinés sont les germes de la modernité d’après le poète et essayiste Petr Král. Retour au cinéma muet.

Le Burlesque ou Morale de la tarte à la crème

Charlie Chaplin, les frères Marx, Buster Keaton sont parmi ceux qui ont, dans le premier quart du XXe siècle, mis en scène l’absurdité et l’injustice, l’avanie et l’aubaine, l’aléa et le destin dans de petits films, bientôt devenus longs, qui ont marqué chacun d’entre nous. Keaton suspendu aux aiguilles d’une haute horloge murale est une image assez saisissante, profondément effrayante en réalité. Ces hommes et ces femmes, car des comédiennes se sont évidemment illustrées dans ce champ gesticulatoire et parfois violent – on peut évoquer Edna Purviance (1895-1958) en particulier – ont marqué le passage du muet au parlant, cette habile glissade des tréteaux de la vieille commedia dell’arte au grand écran blanc. Se révèle donc plus que louable la réédition d’un essai rédigé par le poète Petr Král (1941-2020) dont on aura peut-être oublié qu’il fut aussi, ce que nous rappelle le critique Michel Ciment en préface, « l’une des plus brillantes plumes de Positif », le magazine de cinéma.
Ce livre publié chez Stock en 1984, désormais présenté dans une version améliorée, s’intitule Le Burlesque, ou morale de la tarte à la crème. On peut aisément avancer qu’il s’agit d’une encyclopédie par chapitres tant les aspects les plus divers de ce cinéma si particulier sont abordés, de la sociologie à l’esthétique en passant par la psychologie. Son index substantiel qui s’allonge d’A Day at the Races (Un jour aux courses), le film des Marx Brothers (1937) à Zigoto, le personnage incarné par Lucien Bataille (1877-1953) suffirait à convaincre. La bibliographie n’était d’ailleurs jusqu’au travail de Král pas très longue sur le sujet, si l’on excepte les études de James Agee (1967) ou de Salvador Dalí dans son « Abrégé d’une histoire critique du cinéma » (Babaouo, 1932). Le trublion du surréalisme était bien fait pour piocher dans cet univers foisonnant et riche d’opportunités.
« Le mystère du burlesque, nous explique Petr Král, est pour une bonne part un mystère au second degré. Genre marginal qui, surtout à ses débuts, est encore plus proche de la baraque foraine que de l’art “sérieux”, le slapstick (la face burlesque pour les Américains) fait souvent naître des miracles en vertu de sa seule disponibilité et de son goût désinvolte de la démesure. Loin de ne représenter qu’une limite, pourtant, cet aspect est plutôt un de ses atouts ; il est même un des liens entre les comiques et les avant-gardes poétiques du siècle – en particulier le surréalisme – pour qui, on le sait, la modernité passait aussi par le retour à une “sauvagerie” et à une spontanéité primitives. »
La fraternité des poètes-cinéphiles à laquelle appartenaient Král ou Yves Martin sait se réjouir et admirer ce qui d’humain jaillit des images comme ce « hoquet sacrilège », une apothéose du corps si bien utilisé par les cinéastes qu’elle mène Petr Král à explorer l’autre face du burlesque, celle des corps bien sûr, mais aussi celle des sexes dans les esprits. Car il existe bel et bien un érotisme du burlesque, auquel l’essayiste apporte de nombreuses lumières auxquelles il ajoute des attendus très subtils d’ordre psychanalytiques, relatifs par exemple, à la violence de fantasmes ou à des gags mettant la femme dans des situations qu’on jugerait aujourd’hui pour le moins étonnantes. Les frères Marx en sont les parangons avec Chaplin. « La grandeur du burlesque, en somme, est d’abord celle des “peintures idiotes” et des “opéras vieux, refrains niais” célébrés déjà par Rimbaud… » D’avoir ainsi insufflé à toute la société non-sens et sauvagerie a alimenté, et Petr Král ne peut qu’en convenir, l’imagination des inventeurs de l’art contemporain. Le burlesque ou le chaos créatif.

Éric Dussert

Le Burlesque, ou morale de la tarte à la crème
Petr Král
Lurlure, 415 pages, 25

Vers un nouveau désordre Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°229 , janvier 2022.
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