Un livre

Tout est normal

de Guillaume Condello

Editions Lurlure

Sous-titré « chroniques », ce recueil cherche à dresser par la langue poétique un état des lieux et du monde, à retrouver « la rage forant / blanchie / de l’ordre des choses ». Un ordre vacillant où les restes d’idéaux et les images venues de l’enfance se confondent en désillusions objectives et en réminiscences minimales : « quand la vague s’est retirée / assis / toute la journée sur / des canapés troués tuant / le temps / nous y allions pour le frisson / d’une barrette / de shit / de l’autre côté / du livre ». Projet impossible, peut-être, que cette volonté de faire une radiographie politique, sociale, sensible et subjective d’une réalité qui fuit de toute part, car pour « élever un monde en pièces / détachées / goutte à goutte / pour en tenir la chronique / il faudrait / un livre pour chaque molécule ». À défaut d’une telle multiplicité, Guillaume Condello compose une série de chants, qui sont à la fois une réflexion sur l’Histoire (ainsi, décrites avec une certaine ironie, se succèdent les présidentielles, toujours décevantes) et des instantanées intimes, un journal de la jeunesse du poète. Nous voici donc le nez collé à la vitre du réel, impossible d’y échapper, alors que, paradoxalement, « nous sommes sommés / d’être responsables de / l’éternité / en voie de disparition ». Tout flotte dans notre monde d’écrans où il est si difficile de trouver son reflet : « à la fin / tu es las oui / de ce monde / qu’ai-je bien pu en voir / au fond / de mon canapé mou / devant l’écran où danse / macabre / dans le noir / sur les traits effacés / de ma face / les coulures d’un sourire / toutes les couleurs des / drapeaux fluo / du réel ». Il s’agirait peut-être d’écouter « tout ce qui s’écoule / dans le chuchotement des choses / abolies », alors que « le chant général des oiseaux » est « en sourdine ». Saisir, donc, les débris du monde objectif, sa normalité malade.

Guillaume Contré

Tout est normal
Guillaume Condello
Lurlure,148 pages, 19 €