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Essais Garouste invite Kafka

octobre 2022 | Le Matricule des Anges n°237 | par Thierry Guinhut

Olivier Kaeppelin analyse le triptyque Le Banquet, nourri de mythes et de littérature.

Le Banquet de Garouste

Le Banquet de Platon cherchait l’origine et le sens de l’amour, sous la gouverne de Socrate, qui avait le dernier mot en donnant la parole à l’idéale Diotime, après un défilement d’hypothèses mythiques. Il est possible qu’avec un tel titre, Gérard Garouste y ait pensé, mais pour lui opposer une autre tradition culturelle : celle du judaïsme. Avec un clin d’œil formel à la tradition picturale chrétienne, puisqu’il s’agit d’un triptyque, comme ceux de la nativité ou de l’adoration des mages, ou encore Le Jardin des délices de Jérôme Bosch.
L’essai d’Olivier Kaeppelin relève de l’exercice classique de l’ekphrasis, soit, en rhétorique, la description d’une œuvre d’art. Si l’on reconnaît d’emblée la figure de Franz Kafka, celles de Walter Benjamin et de Gershom Scholem ne sont accessibles qu’à l’initié. D’autant que l’art de Gérard Garouste aime associer son hommage fervent à des déformations corporelles, un rien grotesque, serpentiformes, où l’on devine le souvenir d’un Espagnol : Le Greco.
Au centre, Le Banquet proprement dit, intitulé « Le festin d’Esther », du nom de cette héroïne de la Bible qui sauva le peuple juif, aux dépens des « oreilles d’Aman », celui qui crut pouvoir le massacrer. Autour d’une table en perspective diagonale et nappée de blanc, les convives sont présidés par un Kafka au faciès tourmenté, et opprimé par un fantôme vermiforme bleuâtre. Le conclave pensif et facétieux ne semble guère festif, car hanté par la Shoah, les femmes aimées, Felice et Dora, et les trois sœurs de l’auteur du Procès : « spectres, algues, plantes sous-mariaux couleurs verdâtres sont conviées à la fête de Pourim, mais avec elles la mort s’invite ».
La partie gauche fait survoler par un ange en forme de zeppelin un « Carnaval » fantasque et animalier sur le Grand canal vénitien, où le pont rappelle le « je et le tu » de Martin Buber, mais un petit masque jaune tombé signe le ghetto et annonce la partie suivante. Celle de droite voit une farandole de créatures animaliformes tournoyer autour d’un poète bâillonné taquinant sa lyre, dans lequel on reconnaît le peintre soi-même, sous les confettis multicolores de la manne biblique, nourriture physique et spirituelle. Il fait danser les « chiens musiciens » venus d’un récit de Kafka, auprès duquel le « choucas » (« kavka » en tchèque) ponctue le tableau comme une signature, rappelant le « G » de Garouste sur la tombe de l’auteur de La Métamorphose, à droite du dernier volet.
Lorsque la Kabbale, le Talmud sont à la source de toute cette farandole, la « tragédie de l’Histoire » est-elle rédimée par les intellectuels, écrivains, poètes, et par la manne divine, sous la gouverne de l’artiste postbaroque ?
La prose d’Olivier Kaeppelin fournit les clefs que lui confia le peintre, conduit son lecteur avec patience et sens des nuances parmi les arcanes du vaste ensemble pictural, somptueusement reproduit avec maints détails et un dépliant qui nous laisse imaginer les trois mètres sur huit du chef-d’œuvre. Elle explicite les allusions à Dante, Scholem, Benjamin et surtout Kafka dont lettres et récits sont sollicités. Enfin « À ce banquet, les convives, les spectateurs se nourrissent d’une manne mentale et picturale ».
Peut-être pourra-t-on, mais seulement si l’on se montre grincheux, qualifier la chose de peinture trop littéraire. Le peintre a joué par ailleurs avec une débordante fantaisie de Don Quichotte et de la Divine comédie. Le seul éblouissement visuel qui se produit de prime abord suffit à disqualifier l’argument. Si chercher à nommer les personnages et décrypter les énigmes est ici exaltant, rien n’interdit la pure contemplation des formes dansantes et des couleurs amères ou enjouées. Avec Gérard Garouste (né en 1946) et une abondante exposition au Centre Pompidou, l’on signe enfin le retour en grâce de la peinture dans l’art contemporain.

Thierry Guinhut

Le Banquet de Garouste
Olivier Kaeppelin
Seuil, « Fiction & Cie », 98 pages, 22

Garouste invite Kafka Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°237 , octobre 2022.
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