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Poésie Vendanges tardives

mars 2023 | Le Matricule des Anges n°241 | par Dominique Aussenac

Le dernier recueil du poète William S. Merwin enfin traduit. Grave, mordoré, lancinant.

Un temps au jardin

D’un bleu d’une intensité océane, les yeux de William S. Merwin semblaient à la fois (vous) happer, inclure et traverser. Ils se sont fermés le 15 mars 2019 à Haiku (sic) dans l’archipel d’Hawaï. Depuis 1927, ils tentaient d’enregistrer la mémoire de l’instant, la beauté fugace, fragile d’un monde qui n’en finissait pas de s’échapper. Sa vie fut entièrement consacrée à la poésie qu’il ne dissociait pas de l’écologie, du pacifisme, du bouddhisme, de la défense de peuples indigènes ou de la traduction en une foultitude de langues : occitan, catalan, khmer, gallois, kabyle, tagalog… Une rencontre déterminante avec Ezra Pound l’amena à l’art lyrique des troubadours et en fit un des derniers grands poètes à renouveler la poésie nord-américaine d’après-guerre à l’aune d’une inspiration européenne voire romane. Il reçut deux prix Pulitzer de poésie (1971 et 2009) et fit don des gains du premier à la lutte contre la guerre au Vietnam. Il sillonna le monde, puis partagea son temps entre deux lieux aussi distants que différents : le Causse de Gramat dans le Lot et l’île de Maui de l’archipel hawaïen. Sa maison de Lacalm, au-dessus de la Dordogne, il l‘avait lui-même retapée et embellie d’une roseraie. Sa fascination pour le lieu, les gens, l’Histoire nourrit son œuvre en prose avec notamment Les Dernières Vendanges de Merle ou L’Appel du Causse (Fanlac, 2010 et 2013). Quant à son île dans le Pacifique, il la reboisa d’une très luxuriante et diverse palmeraie, recréant une biodiversité disparue, précurseur de ce que fit le photographe Sebastião Salgado au Brésil.
Un temps au jardin, publié en 2016, c’est le temps du poème mêlé aux derniers rougeoiements d’une vie. « Aux mots dans leur sommeil » : « Avez-vous passé tout l’été à dormir ici/ avec les chiens/ croyez-vous au réveil/ rêvez-vous que vous êtes autre part/ vous rappelez-vous de ce que vous vouliez dire/ vous rappelez-vous le timbre des voix/ entendues autrefois/ savez-vous qui êtes-vous/ parlez-vous encore la langue de jadis/ êtes-vous plus vieux que vous ne pouvez dire/ vous qui n’avez jamais dit toute l’histoire/ sauf ce qui venait à l’esprit » Descriptifs autant qu’introspectifs, les poèmes évoquent principalement deux saisons, l’été et l’automne, la pluie et le beau temps, les objets du quotidien, une tasse, un outil oublié, patiné, des animaux… Les chiens qui aboient ne sont-ils pas les voix de la nuit ? Quant aux libellules, elles captent la lumière et l’emportent avec elles. « maintenant des adultes pressés/ qui n’en ont jamais vu/ ne savent pas ce qu’ils ne voient pas… » Élégiaques, ces vers portent la nostalgie d’un temps qui passe à jamais effacé, le souvenir d’un paradis perdu avant même d’avoir été, la perte d’une langue qui savait dire le monde et permettait de communiquer avec l’univers, mais affichent une sérénité par rapport à l’inconnu de la mort. Une sorte de bagage pour l’au-delà, contenant comme tout viatique, des images de la beauté, la brièveté d’un haïku, la fulgurance d’un poème ou d’une formule philosophique orientale… « les gibbons gueulent depuis les gorges des montagnes/ les mots d’antan creusent tous l’immense absence/ l’ampleur de tout ce que l’on a perdu/ qui demeure là lorsque le poète en exil/ lève les yeux en attendant les voix/ des oies sauvages qui s’en retournent au loin en vol. »
Les poèmes sont bilingues et magnifiquement traduits par deux universitaires qui ont rédigé un très docte chapitre intitulé « L’Éblouissement de l’ombre : écrire à l’approche du crépuscule » qui se conclut ainsi  : « Dans Un temps au jardin, ce qu’on aime d’une force inexprimable, informulable, est ce que l’on quitte inéluctablement. » Quant à Robert Becker, un parent du poète, avec « La forêt de palmiers », il décrit comment le jeune homme « brillant, beau mais en colère » devint planteur. « Planter, voilà pour Merwin le véritable acte de foi… »

Dominique Aussenac

Un temps au jardin
William S. Merwin
Traduit de l’anglais par Thomas Dutoit et Cécile Roudeau
Fanlac, 226 pages, 20

Vendanges tardives Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°241 , mars 2023.
LMDA PDF n°241
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