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Domaine étranger Une âme trop grande et des mains trop petites

avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242 | par Flora Moricet

L’écrivaine suisse Adelheid Duvanel fit de la forme brève un art des trajectoires absurdes et poétiques.

La Maison disparue

En France, nous publions peu de nouvelles et Adelheid Duvanel ne dispose pas de page Wikipédia. Épiphanie éditoriale : les jeunes successeurs des éditions Corti viennent de réparer au moins une injustice en poursuivant le travail interrompu par nos voisins belges (Vies parallèles) pour faire entendre une voix méconnue de la littérature germanique. Née à Bâle en 1936, Adelheid Duvanel se consacre à la forme courte pendant quinze ans, à partir de 1978. Victime de troubles schizophréniques, elle est retrouvée morte dans la forêt en 1996 – probablement d’overdose de médicaments –, laissant derrière elle six ouvrages et un texte posthume. Comme la plupart de ses personnages, elle dessinait et peignait également des tableaux proches de l’art brut, mais lorsqu’ils tracent des petits cercles, ce sont des toiles pleines de monstres et de couleurs. 
Pour qui ne l’a jamais lu, la fulgurance et la densité de ces petits textes peuvent déstabiliser au premier abord, tant son écriture minimale est un condensé d’existences et de sensations. Écrit en 1988, entre Anna et moi (1985) et Délai de grâce (1991) – les deux seuls traduits en français –, La Maison disparue nous invite sur le coin d’une petite table, au sein d’un foyer où la lumière du jour n’entre pas toujours, et tout près de personnages qui ne regardent pas exactement le monde comme on en aurait l’habitude, sans doute parce qu’ils n’y appartiennent pas tout à fait. Une écriture évocatrice surprenante, qui fait « rire tout bas », de peur de faire trembler la petite table ou d’éteindre une bougie, conjuguant grâce, burlesque et humilité. 
Le décor est naturaliste, les points de vue le sont beaucoup moins. L’un s’étonne qu’un arbre ne soit pas doué de regard, un autre admire « leur grand angle de vision, même s’ils restent pendant des siècles au même endroit », un chat mange les billets de banque de sa maîtresse, sauf ceux de cinquante, et boit dans son verre d’alcool tandis qu’elle lui apprend que ses deux enfants sont morts, un violoncelle peut devenir un colocataire dont on redoute la disparition… Certains ne connaissent pas l’ennui, mais la plupart sont absents à eux-mêmes, à l’image d’« Hubert Pleinement » qui, en dépit de son nom, n’est « pas quelqu’un qui déborde de vitalité : il donne toujours l’impression d’être un peu absent » et « lorsqu’il se présente (…), dessine un cercle de la main droite », ou de la femme qui se dit que « ne pas avoir de visage conviendrait bien à son état », déclarant : « j’ai toujours eu deux vies : ma vie et celle de mon mari. Je ne sentais presque pas la mienne, mais celle de mon mari était drôle » et qui finit par rapetisser au point de retrouver la taille d’un enfant de 2 ans. 
L’écrivaine de langue allemande porte une attention si inédite aux paysages et aux choses qui nous entourent qu’elle en devient poétique sans jamais se présenter telle. Il arrive qu’une jeune fille disparaisse sans « pouvoir donner aucun motif de sa fugue : elle était à la recherche de quelque chose qui n’existe pas ». D’autres fois il ne se passe presque rien d’autre que des lumières qu’on allume et des yeux qui voient mal à travers la buée des lunettes quand il pleut, une amie qui n’est plus dans l’appartement, sans que l’on puisse distinguer le drame du lieu commun. 
Adelheid Duvanel pose des silences entre les phrases avec une liberté réjouissante pour le lecteur et la lectrice qui n’auront qu’à imaginer le chaînon manquant. Impeccablement traduite par Catherine Fagnot qui a su préserver « la modestie du lexique » (Lmda N°191), cette écriture mystérieuse et fulgurante emporte en laissant une impression de profondeur et peut-être même un peu de magie. On attend la traduction des quatre autres textes avec impatience.

Flora Moricet

La Maison disparue
Adelheid Duvanel
Traduit de l’allemand par Catherine Fagnot
Corti, 108 pages, 16

Une âme trop grande et des mains trop petites Par Flora Moricet
Le Matricule des Anges n°242 , avril 2023.
LMDA papier n°242
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