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Égarés, oubliés Honte aux assassins professionnels

avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242 | par Éric Dussert

Journaliste et militante féministe aux côtés de Séverine, Marcelle Capy (1891-1962) fut une infatigable militante de la paix.

Des hommes passèrent...

Tandis qu’un président de la République confond le peuple, la foule, sa tante, et la pédale de droite avec celle de gauche, les éditions La Thébaïde ne confondent pas la roupie avec le sansonnet : c’est bien dans leur collection « L’esprit du peuple » qu’elles ont inscrit le Prix Séverine 1930 ressuscité, c’est-à-dire Des hommes passèrent signé Marcelle Capy aux éditions du Tambourin, une maison très portée sur les livres de femmes journalistes (Maryse Choisy, Simonne Ratel, Suzanne Normand, etc.). Capy y décrivait le sort des femmes restées « à l’arrière » dans un pays en guerre qui ne leur laissait pas le choix. Il leur fallait assumer comme elles le pouvaient toute la besogne. Industrie, agriculture, commerce, tout leur incombait, aidées qu’elles pouvaient l’être par les trop jeunes, les trop vieux et les trop abîmés qui n’étaient pas admis aux glorieux combats. Difficultés, douleurs, Marcelle Capy avait passé au crible la situation peu enviable des femmes auxquelles la nation jamais ne se montrera reconnaissante. Mais l’était-elle pour les soldats tués ? Le sujet quoi qu’il en soit la mettait en verve. Dans un article intitulé « Les morts en Champagne », la journaliste Capy écrivait à propos de la proposition d’un vieux schnok de militaire de faire payer aux survivants des tranchées les monuments aux morts : « N’est-ce pas que c’est élégant comme solution : “Comment, vous n’êtes pas morts ? Payez donc et estimez-vous heureux ; nous ferons un beau discours, un beau banquet dont vous serez autorisés à regarder les lumières… à travers les fenêtres.”/ Eh bien, oui ! les morts de Champagne ont besoin d’un monument et nous nous engageons à le payer, à la condition qu’il soit ainsi conçu : Une grande pancarte en bronze fondu scellée dans du granit et sur laquelle on écrira “Ici, par ordre des fauves à face humaine, des hommes se sont égorgés, pour la plus grande gloire des assassins professionnels”. »
Marcelle Capy était pacifiste. Déjà en 1916, cela lui avait valu le caviardage par Madame Anastasie (la censure) de son livre préfacé par Romain Rolland, Une voix de femme dans la mêlée. De nombreuses pages en étaient blanches. Le censeur avait considéré que chaque article repris dans son livre était « une goutte de poison ». L’intervention de son amie et mentor Séverine poussa Aristide Briand à desserrer l’étreinte. La moitié du livre put paraître.
Née Marcelle Marquès le 26 mars 1891 à Cherbourg, Marcelle Capy était aussi antimilitariste qu’elle était fille d’un officier d’artillerie de marine. Son enfance se déroula dans le Lot, auprès d’un grand-père installé à Malte (Pradines), ami de Gambetta, dont elle emprunta le patronyme lorsqu’elle se lança dans le journalisme. Après des études de littérature à Toulouse, c’est en entendant Jaurès discourir devant des ouvriers qu’elle comprit que la politique lui paraissait plus nécessaire que la poésie. Et c’est à la Ligue internationale pour la paix et la liberté qu’elle apporta son aide, bourlinguant dans le monde entier en plaidant le pacifisme le plus pur. À partir du 25 août 1913 elle commença par donner à La Bataille syndicaliste une série de reportages où, à l’instar des frères Maurice et Léon Bonneff au même moment, elle s’enquérait des conditions de travail. Digne « établi », elle mit un point d’honneur à pratiquer le travail dont elle parlait dans ses articles : elle travailla à la chaîne pour fabriquer des écrous à créneaux, nous rappelle le dictionnaire de Maitron dans la notice qu’il lui consacre. Ils étaient destinés à des moteurs d’avions. Puis elle souda des ampoules, fut poissonnière aux Halles et même cousette parmi les modistes parisiennes (les midinettes). Bien avant certaines elle fit, dit-elle, « le dernier des métiers » dans un cloaque de la zone où l’on tirait de la colle des déchets des abattoirs. On croirait lire Aubervilliers de Léon Bonneff ! Ses articles furent remarqués et Séverine souhaita la rencontrer ; elle en fit sa disciple, son amie, et celle qui lui succéderait. Le 2 juillet 1916, Séverine la décrit comme une femme « jeune, robuste, frémissante d’amour pour la détresse humaine et de révolte contre qui l’exploite, elle se jette à tout instant dans la mêlée. »
Infatigable militante du droit des femmes, de la paix, de la justice sociale, Marcelle Capy épousa le militant socialiste Pierre Brizon qui dirigeait le journal La Vague. Elle en assura le secrétariat avant de lancer le 10 mai 1923 La Vague nouvelle. Collaboratrice de la plupart des journaux de gauche (Germinal, Les Hommes du jour, etc.) et féministes (Femme de France ou La Vie féminine), elle publia encore plusieurs romans comme La Vie tient à un fil (Rivarol, 1946) et donna dès 1932, c’est à souligner, de sérieuses alarmes sur l’antisémitisme du régime nazi (« Hitler menace la vie des juifs », Le Droit de vivre, mars 1932).
Elle s’est éteinte le 5 janvier 1962 à Pradines où s’était déroulée son enfance. On pourrait désormais lui rendre l’hommage qui fut rendu par une presse française unanime à l’Américaine Nellie Bly tout récemment. Marcelle Capy y aura-t-elle droit ?

Éric Dussert

Des hommes passèrent
Marcelle Capy
Préface d’Hélène Baty-Lalande
La Thébaïde, 208 pages, 20

Honte aux assassins professionnels Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°242 , avril 2023.
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