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Domaine étranger Juste la fin du monde

mai 2023 | Le Matricule des Anges n°243 | par Thierry Cecille

Qu’est-ce qu’aimer ? Comment survivre à l’amour mort ? Pier Vittorio Tondelli affronte avec acuité ces questions taraudantes.

Chambres séparées

(Nouvelle Traduction)
Editions Seuil

Deux êtres se rencontrent et, comme instantanément, se reconnaissent : « Entre Leo et Thomas, il s’est créé une énergie qui augmente de minute en minute et trouve sa puissance en elle-même, dans ces contacts faussement accidentels, ces effleurements fugitifs et ces regards muets. Ils ne se sont pas encore parlé. Les paroles n’ont pas lieu d’être, dans ce moment essentiel et fondateur pour tous les deux, quand la vie appelle la vie à travers l’énergie la plus profonde de l’espèce ». Répondant à cet appel, ils deviennent rapidement amants. La vie commune, cependant, n’est pas aisée : Leo est un peu plus âgé que Thomas et surtout semble plus assuré, plus fixé dans l’existence. Ils décident de s’aimer à distance, s’écrivent beaucoup, se retrouvent régulièrement. Mais la mort survient : Leo perd Thomas, âgé seulement de 25 ans. « Chaque jour qui passe, il mesure un peu plus combien la perte de Thomas travaille en lui avec une exubérance aussi dévastatrice que catastrophique. A présent, s’il parvient à envisager de façon rationnelle la disparition de Thomas, à se dire : “C’est comme ça, je ne peux rien y faire”, il n’en va nullement de même pour ce qui se passe en lui. Car il n’a pas la moindre idée de ce qui lui arrive. »
Ce roman publié en 1989 (Tondelli est né en 1955) fut traduit une première fois en 1991 : Vincent Raynaud (voir Lmda n°241) nous propose ici une nouvelle traduction, désireux de rendre au mieux la « variété de registres » de l’écriture de Tondelli. Celle-ci en effet mêle le réalisme et l’onirique, fait se succéder des analyses psychologiques presque proustiennes et des pages plus méditatives. La construction du roman est, elle, assez déroutante : loin d’être chronologique, le récit procède par sauts, allers et retours, composé de séquences plus ou moins longues. Certaines sont d’une grande force : une longue nuit de dispute et de réconciliation entre Thomas et Leo dans un hôtel de Saragosse, une expérience sado-masochiste de Leo dans une boîte gay à Washington…
Il est certain que ce désordre – contrôlé – tente de rendre compte du désarroi de Leo qui, pour se reconstruire, oscille lui aussi, bouleversé, entre un passé perdu, un présent douloureux et un futur qui, au moins dans un premier temps, lui semble inenvisageable. Sans doute ce roman est-il en partie autobiographique : alors que la première édition ne l’indiquait pas, la quatrième de couverture précise ici que Tondelli est mort, en 1991, du sida – et si le mot n’est nulle part prononcé dans le roman, il semble bien que cette maladie soit la cause de la fin précoce de Thomas. C’est en effet ainsi qu’il apparaît à Leo, lors de leur dernière rencontre, dans un hôpital de Munich : « Amaigri d’une façon obscène, presque momifié. Le visage creusé, la peau qui tire sur les pommettes. Les lèvres qui ont comme disparu, réduites à un mince fil de peau qui ne parvient pas à recouvrir les dents. Le crâne rasé. Les bras et les jambes semblables à ceux d’un enfant en état de malnutrition. Et ce ventre énorme, retourné et ouvert. Du Thomas qu’il a connu, il ne reste que les yeux, plus grands, plus larges et plus noirs, si une telle chose est possible ». Comment ne pas penser, en lisant cette description pathétique et effrayante, à de semblables pages écrites par Hervé Guibert ou à ce que nous pûmes voir de son propre corps, de ce qu’il était advenu de sa beauté, dans son film La Pudeur ou l’Impudeur ?
Peut-être Tondelli a-t-il tu ce mot pour éviter d’orienter ainsi la lecture, de restreindre en quelque sorte l’expérience de son personnage : l’itinéraire qui est le sien, d’un « deuil insupportable » au « miracle d’une graine qui fleurit », chacun de nous peut avoir à en faire l’épreuve.

Thierry Cecille

Chambres séparées
Pier Vittorio Tondelli
Traduit de l’italien par Vincent Raynaud
Seuil, 229 pages, 21

Juste la fin du monde Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°243 , mai 2023.
LMDA papier n°243
6,90 
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