Un livre

Cavaler seule

de Kathryn Scanlan

Editions Croisée

En selle et au galop. « À l’école, on nous demandait toujours ce qu’on voudrait faire plus tard. Moi, je répondais que je voulais devenir jockey, monter des chevaux de course. Ça inquiétait mes professeurs. Un jockey, ça doit être petit, et moi, je grandissais. » Sonia parle pendant que Kathryn Scanlan écrit, un roman tout entier basé sur une série d’entretiens passés avec la petite fille du Midwest qui rêvait de devenir entraîneuse. Une vie aux côtés des chevaux, une immersion dans le monde des courses hippiques – des plus modestes aux plus fameuses –, une existence comme un kaléidoscope, retransmise via une série de textes très brefs, des vignettes, des croquis sur le vif.
En quelques lignes, Kathryn Scanlan rend à la perfection l’atmosphère, la tension : une fois le décor posé, il ne lui reste qu’à l’habiter. Les textes sont chronologiques, s’appuient sur des moments-clés d’un parcours singulier. Être une femme, dans ce monde des hippodromes, des courses, n’est pas une sinécure. Jockey est impossible ; entraîneur, difficile. Sonia est lad, et un peu plus à l’usage, mais sa trajectoire comprend un apprentissage long, ingrat parfois, violent souvent, dangereux aussi – la vie de lad exige un quasi-renoncement à tout ce qui est autre que le cheval. La narration à la première personne expose la fillette, l’adolescente, la jeune femme. On est tout à côté d’elle en même temps qu’elle nous tient à distance. Le récit est hyperfactuel, et les émotions omniprésentes. Un équilibre subtil que Kathryn Scanlan obtient à force d’épure : pas un mot superflu, tout est concentré. S’en dégage une force étonnante, brute, un portrait où chaque détail compte. On pourrait accompagner Sonia pendant des heures. Malheureusement la course s’arrête. Mais il est beau d’avoir pu y participer.

Julie Coutu

Cavaler seule
Kathryn Scanlan
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux
La Croisée, 208 pages, 18 €