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Domaine étranger Ruines et gâchis

octobre 2023 | Le Matricule des Anges n°247 | par Camille Cloarec

Les Mémoires de jeunesse de Vera Brittain (1893-1970) constituent une somme féministe et politique soigneusement documentée sur la Grande Guerre.

Mémoires de jeunesse

En dépit de son succès considérable à sa publication en 1933, Testament of Youth n’avait jamais été traduit en français jusque-là. Cet ouvrage volumineux que Virginia Woolf avait encensé et qui a été plusieurs fois porté à l’écran retrace, à partir du journal que la jeune Vera Brittain tenait ainsi que de sa correspondance, l’irruption de la guerre et ses conséquences catastrophiques en Europe. Un témoignage d’une précision méticuleuse, qui se détache immédiatement des autres puisqu’il a été écrit par une jeune femme féministe. Nous découvrons ainsi la Première Guerre mondiale à travers son regard, tout d’abord naïf et égocentré, puis grave et engagé. Au fur et à mesure des pages, nous comprenons le séisme que la Grande Guerre a provoqué parmi toute une génération. Nous pénétrons dans le monde aux multiples facettes de l’arrière-combat, fait d’attente, de détresse et d’angoisse. Et nous assistons, en même temps que l’évolution des affrontements, à la fulgurante ascension de la narratrice, qui mûrit à la fois intimement et littérairement.
« Lorsque la Grande Guerre éclata, je n’y vis pas une tragédie superlative mais plutôt l’interruption singulièrement exaspérante de mes projets personnels », avoue-t-elle d’emblée. En effet, Brittain est alors parvenue à vaincre les réticences de sa famille et a obtenu l’une des rares places réservées aux femmes à l’université d’Oxford, au sein du département de littérature anglaise. Elle qui a grandi dans une province étriquée du Derbyshire où « les femmes tenaient leur maison, et les hommes occupaient leur temps » s’est toujours battue pour bénéficier d’une éducation digne de ce nom et fait de son cheminement intellectuel une priorité. Mais son quotidien austère est bouleversé lorsqu’elle rencontre Roland, un ami de son frère, et qu’elle comprend peu à peu avoir trouvé son alter ego. C’est alors que la guerre éclate et que le temps de l’innocence, si bref, se referme.
La plupart des amis masculins de l’autrice, ainsi que son frère, s’enrôlent dans l’armée. De son côté, elle décide de quitter Oxford pour rejoindre l’effort de guerre : elle sera infirmière à Londres puis à Malte, dans des conditions éprouvantes et souvent dangereuses. Un à un, les soldats tombent. Les privations s’accumulent. Les parents et grands-parents perdent pied, quant aux enfants, ils deviennent des adultes cabossés. « Il me semble que la guerre creusera un fossé entre avant et après, aussi profond ou presque que celui entre avant J.-C. et après J.-C… », écrit-elle. Les étincelles patriotiques du début ont tôt fait de se fondre en un sentiment de gâchis irréparable qui animera son engagement politique et pacifiste à venir. Lorsque la tragédie la frappe de plein fouet – Roland meurt – elle devine qu’elle ne s’en remettra jamais (« le choc profond que m’inspirait sa disparition initiale me laissa désorientée et démunie comme une enfant abandonnée sur la grève d’une mer incommensurable »).
Si les Mémoires de jeunesse de Brittain rendent un hommage nostalgique et bouleversant à cet amour perdu, elles sont aussi un manifeste d’une lucidité troublante contre la société telle qu’elle est. Les absurdités de la guerre vont de pair avec une étroitesse d’esprit et des codes sociaux qui défavorisent essentiellement les femmes. L’autrice ne tarde pas à embrasser les mouvements féministe et socialiste. Une fois la guerre finie, elle poursuit péniblement une carrière littéraire tout en enseignant et donnant des conférences, et vit en colocation avec une amie de manière indépendante. Le récit passionné de ses années de jeunesse, entre mélancolie et combativité, restitue un parcours inspirant et un engagement exemplaire qui ne faisaient alors que commencer.

Camille Cloarec

Mémoires de jeunesse
Vera Brittain
Traduit de l’anglais par Josée Kamoun et Guy Jamin
Viviane Hamy, 736 pages, 26

Ruines et gâchis Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°247 , octobre 2023.
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