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Domaine étranger Séisme, amour et frisson panique

octobre 2023 | Le Matricule des Anges n°247 | par Richard Blin

Tout en étincelles de poésie, le deuxième roman de Ralph Dutli invite à redécouvrir les vertus de ce rien magique qu’est la littérature.

Les Amants de Mantoue

Un même désir de parole anime les différents genres littéraires que pratique Ralph Dutli, né en Suisse, en 1954. Sous des formes variées – des poèmes, des traductions du russe, une biographie d’Ossip Mandelstam, des essais, deux petits ouvrages sur l’olivier et les abeilles mellifères, des romans – c’est un même geste qui est à l’œuvre comme si chaque livre fertilisait le suivant. Après Le Dernier Voyage de Soutine (Le Bruit du temps, 2014), c’est son deuxième roman, Les Amants de Mantoue, magistralement traduit par Claire de Oliveira, que nous pouvons lire aujourd’hui. Un roman qui entremêle la Renaissance et le néolithique, les zones sismiques de la vie et les rêves, l’amour et la religion, la kabbale et l’alchimie.
Tout commence à Mantoue, la ville près de laquelle, en 2007, a été mise au jour une sépulture néolithique abritant les squelettes enlacés d’un jeune couple vite qualifié de « Roméo et Juliette de l’âge de pierre ». Six ans plus tard, et après le tremblement de terre de mai 2012, deux amis de jeunesse s’y rencontrent par hasard, Raffa, un sismologue venu étudier les conséquences du séisme, et Manu, un écrivain attiré et fasciné par ce couple de l’âge de pierre enlacé depuis six mille ans. Or celui-ci a mystérieusement disparu, comme va bientôt disparaître à son tour Manu.
Derrière cette intrigue digne d’un roman d’aventure, c’est à l’assomption d’un nom, celui de Mantoue, que nous assistons. Ce qui n’est possible qu’à condition d’être poète, et Dutli l’est, qui déplie au fil des pages et des péripéties, tout ce qu’enferme la coquille de ce seul mot : Mantoue. « Mantoue – mantique – Mantegna – mantra – manie – magma – magnétisme. Manuel. » Un débordement poétique s’invente, traverse les apparences, entraîne le lecteur dans un monde où, entre rêve et réalité, la Mantoue de la Renaissance reprend vie. Celle qui a réhabilité la volupté – ce plaisir que le Moyen Âge avait en horreur –, celle de Ludovico Gonzague qui confia à Mantegna le soin de décorer La Chambre des époux, celle qui a vu naître Virgile, encore partout présent. Une ville qui est un aimant, qui, « douce Jérusalem de l’exil », a attiré les kabbalistes. « La kabbale est la clé de tout, et l’endroit où circule la kabbale se nomme Mantoue. »
Ce monde disparu, l’auteur en rassemble les traces, en donne à sentir la dépense ivre de savoirs. Un pied dans l’érudition, l’autre dans le rien magique qu’est la littérature, il nous plonge dans l’intimité de cette ville et dans celle d’une aventure mêlant l’histoire, le fantastique – avec bibliothèque qui migre ou disparaît –, et le rêve fou d’un farfelu richissime qui, voulant fonder une nouvelle religion d’amour, a fait enlever Manu afin qu’il l’y aide. « Vous raconterez l’histoire de ce couple et vous ébaucherez une nouvelle charte de l’amour. Vous êtes mon évangéliste, mon annonciateur de la bonne nouvelle. » Là encore, il s’agit d’opter pour une renaissance en remplaçant « le crucifié » par « l’image sereine d’un amour partagé », celle des Amants de Mantoue.
Retenu prisonnier, Manu rêve, s’évade en consultant des ouvrages alchimiques où le processus de l’Œuvre est représenté par de flamboyantes images érotiques. Une quête de l’Or potable où il lit sa propre quête de l’Or sublime de l’amour, de Laure, un amour perdu dont le couple néolithique a fait resurgir le squelette. Car l’amour est l’autre fil rouge de ce roman multipliant les doubles fonds et jouant avec les illusions. L’amour qui unit Raffa et Lorena sans qu’ils parviennent à être les Amants de Mantoue, comme l’amour dont les figures de la survivance hantent Manu, et qu’il aimerait voir renaître, à l’image des sept premiers romans qu’il a écrits  : « Quelle exaltation, si on pense à notre condition mortelle (…) de renaître sans cesse, d’en être toujours à ses débuts, à chaque nouveau roman ! » Mais l’amour n’est pas un roman.
Un Manu qui ressemble à l’auteur quand il dit du roman qu’il est un « bric-à-brac dément » s’apparentant au contenu gastrique d’un cachalot, qu’il n’est pas plus irréel que la réalité où « tout est imprévu » ; que l’essentiel, ce sont « les phrases hypnotiques qui font oublier le vrai sujet qu’on traite » et que rien ne vaut cette « drogue langagière faite de pur délire ». Comme dans ce livre où le passé se prolonge dans le présent et où des échos du présent se répercutent dans le passé, et qui nous rappelle que l’amour n’a pas besoin de religion nouvelle, mais « simplement d’un heureux hasard ».

Richard Blin

Les Amants de Mantoue
Ralph Dutli
Traduit de l’allemand par Claire de Oliveira
Le Bruit du temps, 270 p., 24

Séisme, amour et frisson panique Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°247 , octobre 2023.
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