La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Égarés, oubliés La moindre épaisseur des anges

janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249 | par Éric Dussert

Personnage singulier, Jacques Moussempès était un professeur de français à la faconde peu commune. Fasciné par Antonin Artaud, il fut aussi très inspiré par la mort et la transmutation.

Jacques Moussempès est né le 17 mars 1931 à Bayonne. Il appartient à une vieille famille qui s’est illustrée dans l’architecture et diverses notabilités. Lui sera enseignant. Il débute dans la carrière pédagogique au Brésil, durant quatre ans, et passe encore quelques mois en Inde comme attaché à l’ambassade de France où il enseigne le français et la philosophie. Posté ensuite dans un lycée de la banlieue parisienne dans les années 1960, il se fixe, fonde famille (sa fille, Sandra, est devenue une poète reconnue publiée chez Flammarion), même si un atavisme le plombe. Comme son père qui a mangé la grenouille en perdant sa fortune dans un casino, Jacques aime le jeu et passe de nombreuses nuits en parties de bridge. C’est la grande vie qui le gagne, ou plutôt il se plaît à une vie libre, pour ne pas dire excentrique qui en fait un personnage très attachant. Ses élèves se régalent et l’appellent Mousse. Ses amis passent de bons moments aussi. On raconte qu’il fait le trajet de Paris à son château de Valliguières (Gard) au volant de sa décapotable sous un bonnet d’aviateur. Il y reçoit ses amis en grand seigneur. En « gentilhomme serein » dit-on aussi. On retient surtout qu’il est capable de tenir en haleine ses auditeurs avec des histoires impayables. Faconde formidable, charme indéniable, on retrouve dans les pages qu’il a laissées ces caractéristiques, au point qu’elles manquèrent de paraître chez Michel Camus aux éditions Lettres Vives, après que Bernard Noël les a refusées.
À l’époque, Jacques Moussempès habite rue Croulebarbe dans le XIIIe arrondissement. La vie y est douce entre les amis et un certain culte des reliques : la plus étonnante est ce dessin d’Artaud et masque mortuaire de ce dernier qui échoit, à la propre mort de Moussempès, à sa fille – elle a alors 15 ans. La présence de cet objet funèbre s’explique aisément : Jacques Moussempès vouait un véritable culte à Antonin Artaud. Il était d’ailleurs devenu le compagnon de sa dernière amoureuse, Anie Besnard – celle des Lettres à Anie Besnard (Le Nouveau Commerce, 1977). « Pour en finir avec l’Occident », c’est ainsi que s’intitule sa communication consacrée à Artaud dans le cadre du colloque du Centre culturel français de Rome L’Occident et ses autres (Aubier-Montaigne, 1978). Quant à ses propres proses, publiées en 2002 par la Bibliothèque du Lion, une maison vouée à la bibliophilie, assez fugace (2012-2017), elles portent toutes la trace de plusieurs de ses centres d’intérêt, parfois surgis au cours de ses dernières années. On y retrouve tout à la fois les automates (Anie Besnard en possédait une rare collection chez elle), les anges, la transmutation, les soldats de plomb – qu’il fabrique lui-même, insistant sur leur non-épaisseur : « Contre les anges de la tradition interviendront des anges nés d’eux-mêmes, à l’anatomie plane, inspirée des soldats de plomb de collection, qui sont invulnérables aux projectiles de l’adversaire. C’est ainsi que la tactique angélique consiste à se présenter obliquement ou de champ, les silhouettes angéliques n’ayant pas d’épaisseur. » Il s’intéresse encore aux boîtes à musique et la lecture de Bossuet l’occupe énormément car la mort n’est pas une mince question : « Par la communion nécrophagique, une mort unanime parcourt l’univers ; les cimetières s’ouvrent et le défunt, libéré du poids de la tombe se lève, ébloui. »
Ses Lettres de commande portent la trace de tous ces éléments. Leur rédaction est terminée trois mois avec sa disparition, durant son sommeil, le 13 juin 1981, à son domicile. Chacun des dix textes est introduit par un titre peu ordinaire débutant par « Lettre de commande… » Il y a des lettres « à un architecte, à un stratège d’apocalypse, aux graphistes et aux chirurgiens, aux astrologues et aux officiers français, aux kinésithérapeutes, aux directeurs d’agonie et aux artistes de la mort, aux animateurs de vies multiples, à Cathy et au cas célèbre d’angélisation »… En toutes choses, il est question de mutation après la mort (y compris celle de Venise dont l’effondrement sera corrigé par la commande des béquilles de béton), de la fabrication des anges et l’expression d’une cosmogonie digne d’un Pierre Bettencourt, à un univers fantasque et changeant dont le cousinage avec ceux de Malcolm de Chazal, Charles Duits, Gilbert Lascault, Mario Mercier n’est sans doute pas fortuit. Sans oublier Artaud et Raymond Roussel… L’alchimie n’est jamais loin : « Ces libres transferts d’un corps à l’autre détruisent le support de la vie, la matière comme organisation corporelle. Cependant, l’analecticien dans sa recherche d’une matière sans support rencontre d’autres supports matériels à conquérir » Et toujours subsiste l’amour : « L’analecticien amoureux inventera mille exercices de remembrement et de lévitation de l’ange commun. Il déterminera sur différents corps les lieux hantés par le même ange ; de véritables puzzles corporels et spécialement sexuels seront montés et le brillant ancêtre angélique, maquette jamais réalisée, pour enfin s’élancer. » En quoi ou qui Jacques Moussempès s’est-il transporté ?

Éric Dussert

La moindre épaisseur des anges Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°249 , janvier 2024.
LMDA papier n°249
6,90 
LMDA PDF n°249
4,00