50 choses qu’il ne faut tout de même pas oublier de faire avant de mourir
C’est dans Trajet Perec que Thierry Bodin-Hullin présente son projet éditorial : créer « une collection qui serait composée de 53 ouvrages de 53 pages, dédiée à l’œuvre et à la vie de Georges Perec pour qui j’éprouve une grande admiration » – 53, en référence à 53 jours (P.O.L, 1989), titre du dernier roman inachevé de l’auteur de La Vie mode d’emploi (prix Médicis 1978). Un ensemble dont il prévoit d’étaler la publication de 2024 à 2033.
Pourquoi cet hommage à Perec ? Parce que les livres de ce dernier sont entrés dans sa vie alors qu’il n’avait que 17 ans, pour ne plus jamais le quitter : mémoire de maîtrise sur La Vie mode d’emploi, achat compulsif de tout ce qui touche de près ou de loin à Perec (comme le puzzle de 99 pièces du portrait de l’écrivain), et nom donné à sa maison d’édition (L’Œil ébloui, fondée en 2013), qui est le titre d’un ouvrage de photographies de l’artiste américaine Cuchi White sur les trompe-l’œil urbains et ornementaux, accompagné d’une préface de Perec… Son œuvre, écrit Thierry Bodin-Hullin, « remue le plus caché » et « met à nu nos manques ».
La série s’ouvre avec 50 choses qu’il ne faut tout de même pas oublier de faire avant de mourir, volume dans lequel se trouvent réunies deux interventions radiophoniques de Jacques Bens et de Georges Perec réalisées sur France Culture respectivement en octobre et novembre 1981 (les deux hommes se fréquentaient depuis une quinzaine d’années grâce aux réunions de l’Oulipo). On y apprend que Perec regrettait de n’avoir pu ni se souler avec Malcolm Lowry ni rencontrer Vladimir Nabokov, et qu’il rêvait d’apprendre à jouer de la batterie, d’écrire un roman de science-fiction, ou encore d’aller « du Maroc à Tombouctou à dos de chameau en cinquante-deux jours ».
L’Espace commence ainsi de François Bon constitue la première réponse réelle aux invitations lancées par Thierry Bodin-Hullin. François Bon cherche à y dire, dans ce qui prend parfois l’allure d’un exercice d’admiration, ce qu’il doit à Espèces d’espaces (1974), un livre de Perec avec lequel il déclare vivre depuis 1980.
Pour compléter cette première livraison, le volume Permutation présente, quant à lui, le caractère typographique utilisé pour la titraille de la collection. Créé par l’agence Yokna (agence de design et d’accompagnement éditorial couplée à la maison d’édition Bouclard), il possède trois formes différentes pour toutes les voyelles à l’exception du [y], les trois formes permutant de manière aléatoire, ce qui fait bien sûr écho à l’idée de contrainte chère à Perec.
Quarante-deux ans après sa disparition prématurée, Georges Perec est donc de retour parmi nous, ce dont il faut se réjouir. Trois autres volumes de la collection sont déjà annoncés pour l’automne prochain : Une seule lettre vous manque de Claro, Lier les lieux, élargir l’espace d’Anne Savelli, et Terminus provisoire d’Antonin Crenn. Le rendez-vous est déjà pris.
Didier Garcia
Collection « Perec 53 »,
L’Œil ébloui, 53 pages, 12 € ; chaque volume