Il y a quelques années, Pierre Notte publiait L’Effort d’être spectateur, un texte basé sur la position, l’état de celui qui regarde un spectacle. Aujourd’hui, en miroir de ce texte, et pour répondre aux affirmations assénées au moment de la pandémie, « Vous n’êtes pas essentiels », il met en scène l’acteur confronté à la représentation, depuis sa préparation dans les loges jusqu’au salut final. Et tout ceci raconté en direct, par le comédien lui-même. Avec cette question essentielle que se posent tous les comédiens avant d’entrer en scène, « est-ce que j’ai fait pipi ». Parce que tout commence dans les loges, ou ce qui en tient lieu. Ce moment et ce lieu où s’expriment toutes les manières de gérer le trac, de se préparer, d’évacuer la peur du trou de texte, de se concentrer. Mais derrière ce mot il y a l’envie de manger, « ça évite les fruits secs / et les noix et les amandes / parce que ça en fout partout dans la bouche », le besoin de boire, la nécessité de s’isoler ou au contraire de parler à tout le monde. Et puis le couloir, le rideau, le costume, l’entrée en scène, les marques au sol pour se repérer, les partenaires et leurs manies. Jusqu’aux saluts. Tous ces petits détails, et enfin « dans le chaos capricieux des désastres intimes / des désordres du monde / de la catastrophe écologique sanitaire financière / je vais jouer à travestir le monde, le dénoncer l’interroger l’idéaliser en connaissance de cause, à convoquer les monstres les héros les naufragés – les figures solaires et les ombres. »
Pierre Notte décrit tous ces instants avec beaucoup d’humour, mais aussi avec les émotions, les angoisses, les superstitions, l’impression qu’à chaque fois le comédien met une partie de sa vie en jeu. « Pour rendre hommage aux comédiens, aux comédiennes, qui nous hantent de leurs brûlures sur scène, leur puissance et leur folie, leur singularité. » Et ils ont dit : non essentiels ?
Patrick Gay-Bellile
L’acteur, ça se saurait s’il servait à quelque chose
Pierre Notte
Les Solitaires intempestifs, 78 pages, 14 €
Théâtre L’acteur, ça se saurait s’il servait à quelque chose
mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
L’acteur, ça se saurait s’il servait à quelque chose
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°253
, mai 2024.