La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Le bonheur simple d’exister

juillet 2024 | Le Matricule des Anges n°255 | par Richard Blin

Si le quotidien est ce qui n’est pas extraordinaire, Yves Leclair montre combien il est fait d’événements infimes qui frôlent l’absolu poétique.

Le Parchemin enluminé

L' Idiot de village

Précipités de transitoire et d’émoi, de sensations et de suavité, de petits riens du quotidien et de petites épiphanies, le poème, chez Yves Leclair, condense un instant, un lieu, une rencontre en une pépite de bonheur d’être – celui qui laisse les choses respirer et fleurir. « J’orpaille l’ordinaire, je tamise l’or du commun » disait-il dans son premier livre. Il continue à le faire. Poète qui a besoin de prendre l’air, il a fait du déplacement, de la mobilité, le fondement d’une poétique et la condition d’un art de voir qui consiste à redevenir ignorant, à se laisser mener par les yeux, à retrouver un état natif de la perception et du rapport au monde. Un art d’arrêter son regard au hasard, de voir dans ce qui l’entoure ou ce qui fait son décor quotidien, la source potentielle d’un instant poétique. Et souvent, il le trouve sans le trouver, il le rencontre, l’accueille, le cueille sans le vouloir tant il est capable de distinguer dans le fatras du réel ce qui comporte une charge esthétique ou émotionnelle. Un regard qui prédispose à tenter de déchiffrer une partie de l’alphabet mystérieux de la « grande écriture chiffrée qu’on entrevoit partout », selon les termes de la citation de Novalis mise en épigraphe. C’est à elle, et à « sa chevalerie errante » que Le Parchemin enluminé, dernier livre d’Yves Leclair, est dédiée.
Articulé en cinq parties, ce livre propose une série de miniatures mêlant d’infimes points d’or aux arabesques de l’effusivité lyrique. La moindre chose, les motifs les moins prévisibles suffisent pour faire naître le désir de donner à entendre quelques notes du plein chant de la vraie vie. La matière de l’œuvre, depuis L’Or du commun (1993), Bouts du monde (1997) et Prendre l’air (2001), est le vécu du merveilleux quotidien, le « tel quel » de la vie. D’où, à la fin de chaque poème, ou presque, une indication de lieu suivie d’une date et quelquefois des circonstances qui ont présidé à son écriture. Une manière de faire du poème le réceptacle d’instants de coagulation quasi organique de vie pure.
Cette façon qu’a Yves Leclair de psalmodier l’ordinaire, de caresser « la vie basse », d’en accueillir les « folles enluminures », et d’en montrer la sensualité cachée, est aussi une manière de nous dire que la beauté n’est pas au-delà ou au-dessus des choses banales. Elle est en leur sein même et il suffit d’un regard pour l’en extraire et la révéler à tous. « Madeleine à la veilleuse / dans ce banal pavillon de banlieue, / visage de femme / plein de grâce et béni / que caresse l’orange du soir. // La douceur de l’épaule nue / sous l’ondoiement des cheveux, / le geste lent de la main / qui porte la tasse / de thé à la bouche // – archange sous la lampe / qui médite devant le jour infini, / dans la flamme haute / de sa beauté meurtrie, / buvant trois gouttes d’éternité. »
Ce regard qui appréhende le monde à travers des réalités que la poésie a souvent cessé de voir, est une manière d’attirer l’attention sur le fait que c’est au fil de la vie ordinaire, à travers la réalité quotidienne que l’homme s’inscrit poétiquement dans le monde. Orchestrer les accords secrets qui relient le proche et le lointain, le fugace et l’éternel, fonde une sagesse mêlant l’hédonisme à la sublimation de l’impermanence de tout. Car il y a, chez Yves Leclair, de l’irrévérence et de la sérénité joyeuse des poètes taoïstes et bouddhistes qui aiment la méditation et la solitude, la contemplation et l’essentielle simplicité.
Des poètes qu’on retrouve dans Le Village de l’idiot – qui paraît parallèlement –, un « manuel d’aération », le récit – émaillé de haïkus – d’un séjour dans un ermitage loué pour un mois. Récit d’un grand dégrisement, d’un dégagement rimbaldien au plus près de la vie contemplative, de la quiétude, de ces heures immobiles où l’on laisse l’esprit divaguer. Jouir du temps qui passe, le regarder passer, l’idiot en fait un art de vivre. Tous les écrans éteints, sans nouvelles, il est là où il est, « sans métaphore, sans comparaison ». Magie de l’ermitage, du vide qui ajoure. « Ce qui demeure sans mot, suffit à nous transporter. » Accueillir ce qui est, flotter entre deux riens, se laisser aller jusqu’à se confondre avec le décor.

Richard Blin

Yves Leclair
Le Parchemin enluminé
Gallimard, 144 pages, 15
et Le Village de l’idiot
Pierre Mainard, 94 pages, 14

Le bonheur simple d’exister Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°255 , juillet 2024.
LMDA papier n°255
6,90 
LMDA PDF n°255
4,00