On connaît le goût des éditions Allia pour les quatrièmes de couverture laconiques et d’autant plus efficaces. Avec cette traduction des Épigrammes (1927) du Mexicain Carlos Díaz Dufoo, les éditeurs ont trouvé le client idéal, tant notre auteur – c’est bien le moins s’agissant du genre qu’il pratique – a le sens de la formule brève et cinglante : « Vous est-il arrivé de lire un journal sans ressentir l’horreur de la foule ? », peut-on lire au dos de cet élégant petit volume. L’intemporelle médiocrité médiatique et ses généreuses couches de démagogie à l’intention du troupeau que nous sommes vient d’être résumée en quelques mots. On l’aura compris, Díaz Dufoo – qui n’aura rien écrit d’autre que ces courtes proses plus denses que bien des livres bedonnants – était un ironiste sans concession doublé d’un moraliste à tendance misanthrope (l’un allant certainement avec l’autre). La prétention pompeuse, la mauvaise foi, les comportements pavloviens, l’impossibilité d’une originalité dans nos jugements et la tendance humaine à prendre des vessies pour des lanternes sont autant de cibles de choix : « Il offrait, généreusement, les idées des autres » ; « Pris d’un désespoir tragique, il arrachait, brutalement, les cheveux de sa perruque » ; « Sa vocation est souveraine : il compose de la musique dans un monde de sourds » ; « Il cultiva l’emportement pour se donner raison », etc.
L’ironiste est celui qui, par le rire ou le paradoxe, met le doigt là où ça fait mal et le moraliste celui qui en rajoute une couche pour mieux nous remettre à notre place. En lisant ces épigrammes, on n’en mène le plus souvent pas large car il sera difficile de ne pas s’y reconnaître. Díaz Dufoo, cet héritier des maximes d’un Chamfort et ce précurseur des meilleures saillies d’un Chevillard en mode « autofictif », nous offre le parfait guide de l’anti-développement personnel.
Guillaume Contré
Épigrammes
de Carlos Díaz Dufoo
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Antonio Werli,
Allia, 132 pages, 7 €
Domaine étranger Épigrammes de Carlos Díaz Dufoo
septembre 2024 | Le Matricule des Anges n°256
| par
Guillaume Contré
Un livre
Épigrammes de Carlos Díaz Dufoo
Par
Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°256
, septembre 2024.

