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Domaine français Conte à rebours

octobre 2024 | Le Matricule des Anges n°257 | par Dominique Aussenac

Dans un récit onirique, Laurent Pépin désarticule les figures légendaires du père et de l’enfant.

Qui se souvient de l’écrivain-oiseau Étienne Pivert de Senancourt (1770-1846), émule de Rousseau, précurseur romantique ? En 1799, dans Rêveries, il déclarait : « Les fables que l’on prétendoit absurdes, deviennent les allégories de la vérité ; et l’erreur audacieuse n’insulte plus à la sagesse. »
En 2022 naissent les éditions Fables fertiles réhabilitant contes, légendes, récits en germination. Psychologue clinicien, ayant travaillé comme aide-soignant en Ehpad, Laurent Pépin y a publié deux ouvrages et y fait figure de tête de gondole. Monstrueuse féérie (2022) et L’Angélus des ogres (2023) évoquent le rapport à la folie et à l’enfermement, la fragilité du praticien. L’auteur parle de sublimation de faits autobiographiques qu’il camoufle sous le holly wood, le bosque animado, la féérie.
Clapotille surfe sur un exil intérieur. Un homme ayant perdu sa femme, dessine dans la neige les contours d’une petite fille qui prend vie dans ses rêves, Clapotille. Est-ce l’enfant mort-né qu’il attendait dix-sept ans plus tôt ?
Laurent Pépin aime les carambolages, les contraires, les oxymores, les mots précieux aussi. Le terme unaire revient souvent comme un frelon lacanien incongru. Un trait unaire fonctionne comme support à la différence. Renforce-t-il l’unicité, le caractère unique d’un visage, d’une personne ? Suscite-t-il l’incorporel ? L’intemporel ? Peu importe !
L’écriture de Pépin, limpide en apparence, en tout cas vive ou morte-vive et torrentielle, outrepasse la narration qui s’échappe en tous sens ou s’éperle, vif-argent. Oui, son écriture fantasmagorique nous emporte ! Loin, très loin en nous-mêmes, au pays des monstres et des enfants égarés, éperdus. À l’instar de celui de Bettelheim, l’ouvrage pourrait s’intituler Auto-Psychanalyse des contes de fées, tant auteur-narrateur que lecteur y jouent à l’ogre et au chat botté, revivant traumatismes passés, peurs ancestrales et angoisses futures.
Le père, décrit ici, a perdu son âme-sœur, son hameçon. La tête, elle, semble avoir été égarée depuis ses origines. Il descend chaque nuit aux Enfers pour retrouver l’amour perdu, le manque. Sa chute semble inexorable tant s’installent dans ses nuits, goules et créatures incongrues, menaçantes : l’Homme-bête, le Taxidermiste, le Monstre de la caverne, l’Amour-en-famille… Dans sa vie comme dans ses rêves, il est victime et bourreau, être fragile, sensible et prédateur tout-puissant, parent inquiet et pédophile incestueux… Ah, ces pères perpétuels, pères impétueux !
Quant à l’enfant rêvé : « Je m’appelle Clapotille. Papa dit que je ne suis pas comme les autres parce que j’aime regarder les rêves quand ils s’animent dans la pièce. C’est papa qui m’a expliqué mon origine magique. Maman était une thanatopractrice qui se transformait en ogresse, la nuit, et pratiquait une espèce de sorcellerie blanche. Elle s’appelait Lucy, il était amoureux d’elle. Elle l’aidait en capturant les idées noires qu’il avait dans la tête. Papa appelait déjà ça des Monstres, les idées noires, avant qu’elles ne se transforment en vrais monstres. » La petite fille protège avec tendresse et compassion son créateur, son dieu père, s’introduisant dans ses rêves, les chassant, s’instaurant gardienne. Mais les rêves sont rebelles, coriaces, entités métaboliques proches des nuages et pourtant si difficiles à chasser. Et une enfant, même mort-née, doit aussi grandir, savoir quitter son père, vaquer vers ses propres émois. Quant à Lucy, la mère matricielle, elle luit par intermittence dans l’urne posée sur le rebord de la cheminée.
Oui, il s’agit autant d’un décompte de faits assez foutraques et inquiétants, qu’un conte de fées. À la fois objets et sujets, auteur et lecteur toutefois en réchapperont, bave de joie et de jubilation amères aux lèvres.

Dominique Aussenac

Clapotille, de Laurent Pépin
Fables fertiles, 130 pages, 17, 50

Conte à rebours Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°257 , octobre 2024.
LMDA papier n°257
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