Dans une note d’intention, Simon Grangeat raconte : « Pour sortir des carcans et des prisons conservatrices, patriarcales, les auteurs et les autrices parlent depuis des décennies de l’émancipation féminine./ Pour ce qui est des garçons, on ne parle – au mieux – que de déconstruction./ Je n’arrive pas à voir dans cet idéal “déconstructionniste” autre chose que les pièces éparses d’un mécano ou d’un lego, abandonné sur le tapis. (…)/ Au départ de l’écriture de Garçon, il y a la nécessité intérieure d’interroger la possibilité d’une émancipation pour les garçons./ D’un devenir enviable./ Il y a cette intuition que quelque chose doit pouvoir se partager de l’expérience d’une autre masculinité. »
Joli projet qui résonne ô combien dans notre monde qui met au pouvoir des hommes dits « forts », prônant la violence et le rapport de force comme solution à tous les problèmes.
Comme le titre de la pièce l’indique, le personnage principal se nomme donc Garçon, un jeune homme qui a « dévissé depuis plusieurs années » selon son père, Louis. Ce dernier s’occupait seul de son fils, sa femme étant décédée. Malgré tout, il continue de faire passer son travail de médecin en premier. Il est donc très peu présent pour son fils. Complètement dépassé, il décide de le confier à sa sœur, pour qu’elle prenne le relais. La tante Camille, qui n’a pas d’enfant, accueille donc Garçon sous son toit. Pour Garçon c’est une punition supplémentaire : se retrouver à la campagne alors que c’est un citadin et perdre tous ses amis. Il redouble alors de violences. Et cependant la rencontre avec sa tante et une jeune fille de sa classe, Aya, vont lui permettre d’accueillir de nouvelles émotions. Les deux femmes se confrontent aux provocations de Garçon, symbolisées par ses ongles qu’il refuse de couper, avec lesquels il griffe tous ceux qui l’approchent de trop près.
La pièce est construite comme une enquête de gendarmerie. Elle démarre avec la déposition du père expliquant que son fils et sa tante ne donnent plus de nouvelles depuis dix jours maintenant et qu’il ne sait pas où ils se trouvent. Le père cherche surtout à se disculper de son abandon de toute obligation familiale et enchaîne les lieux communs pour minimiser le mal-être de son fils. Pour lui : « Les garçons, ça se chamaille. C’est ce qu’on dit, non ? Si on devait s’inquiéter à la moindre bagarre… » Les séquences de déposition à la gendarmerie sont entrecoupées de flash-back qui retracent l’année passée de l’adolescent. Des séquences courtes comme autant de points de vue éclatés pour donner à voir les multiples facettes du chaos dans lequel se débat Garçon. Comment pour devenir un homme, un vrai, il lui faut assumer les clichés de la virilité, reproduire une forme de violence et surtout taire tous les sentiments un peu intimes. Mais c’est justement en accueillant une forme de vulnérabilité que Garçon va pouvoir déposer ses « griffes ».
La pièce n’est absolument pas moraliste, elle essaie juste de décrire la difficulté de se construire homme, en ce sens sa lecture est précieuse pour tous les jeunes en devenir.
L. Cazaux
Garçon, de Simon Grangeat
Les Solitaires intempestifs, « Jeunesse », 100 pages, 13 €
Théâtre Une autre masculinité
septembre 2025 | Le Matricule des Anges n°266
| par
Laurence Cazaux
Simon Grangeat questionne la difficulté de se construire Garçon aujourd’hui.
Un livre
Une autre masculinité
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°266
, septembre 2025.

