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Théâtre C’était la Reine des bandits

septembre 2025 | Le Matricule des Anges n°266 | par Patrick Gay Bellile

L’histoire d’une femme indienne victime des hommes et devenue une légende.

Rien n’est écrit dans les lignes de ma main

Qui se souvient de Phoolan Devi ? Qui en a même jamais entendu parler ? Née en 1963 dans une famille très pauvre du nord de l’Inde, elle se rebelle très jeune contre la condition faite aux femmes, protestant et intervenant physiquement lorsqu’elle voit son père battre sa mère. Mariée à 11 ans à un homme trois fois plus âgé qu’elle, violée, battue, rejetée parce qu’indocile, et donc déshonorée et devenue de ce fait « la fille du village », un statut proche de la prostitution, elle est finalement enlevée par un groupe de bandits, dont le chef Vikram, lui témoigne respect et attention. Répondant en cela à l’image de l’homme qu’elle imagine : « un homme qui incline sa tête afin de mieux écouter sa femme, un homme qui retient son baiser de peur qu’il ne déplaise à sa femme, qu’il ne lui déplaise ou juste la dérange. » Après moult bagarres et règlements de comptes, elle finit par créer sa propre bande, et devient, dans la mythologie locale, la Reine des Bandits, une sorte de Robin des Bois qui prend aux riches pour donner aux pauvres. Elle vit dans la jungle et entreprend de se venger et de venger les femmes maltraitées. Elle n’hésite pas à traquer les hommes, à les tuer, à les émasculer : « je coupe et écrase ce qui sert à torturer les femmes. » Poursuivie par la police, elle finit par se rendre, contre l’avis de la population, et passe onze ans en prison. À sa sortie, elle s’engage en politique, est élue députée et poursuit son combat pour les femmes et contre le système des castes. Elle raconte tout cela dans un livre paru en 1996 Moi, Phoolan Devi, reine des bandits et, en 2015, un podcast de France Culture reprend son histoire. Elle sera finalement assassinée le 25 juillet 2001 par un homme qui venge ainsi un massacre commis par la bande de Phoolan Devi. Lequel homme sera lui-même condamné à la prison à perpétuité en 2014.
Le texte de Rémi Checchetto n’est en rien une biographie de cette femme incroyable. C’est un cri, un souffle. Il ne s’arrête jamais, ne prend aucune distance avec les personnages. La voix de Phoolan s’élève contre le sort réservé aux femmes par la religion hindouiste, contre le patriarcat, contre un système qui, en Inde, place les femmes au niveau du bétail. Un système où il faut être mariée très tôt quitte à être violée par son mari pour éviter à 15 ou 16 ans d’être violée par celui qui passe. Un système où « avoir une fille est comme arroser le champ du voisin ». Le texte insiste sur la responsabilité des femmes elles-mêmes qui ont intériorisé la condition qui leur est faite jusqu’à l’inscrire dans les lignes de la main.
Alors Phoolan pose des questions, des questions simples : « est-ce normal de marier sa fille de force, est-ce normal que son mari la viole ? suis-je née pour souffrir ? » Des questions dont elle connaît les réponses : « je n’ai pas vocation à me faire taper dessus, je n’ai pas vocation à me faire violer, je n’ai pas vocation à l’idiotie, à vivre une vie moins qu’un chien. » Analphabète, elle fait confiance au pouvoir des mots. Avec son porte-voix, elle harangue les habitants des villages : « Je veux des mots debout devant moi, des mots debout grâce à la langue de l’affrontement. »
Rémi Checchetto est un poète et sa langue, vive, frémissante et rythmée rend hommage à ce qui se passe dans la tête de Phoolan, et à cette autre femme qui vit à l’intérieur de Phoolan, et attend son heure, « une femme dont la respiration attend d’ouvrir et de porter ses ailes. » Le texte met la focale sur le moment où dans la vie de Phoolan tout bascule. Où elle passe enfin du statut inférieur, minoré, humilié de la femme à celui de combattante. Combattante de la liberté, combattante du pouvoir des mots. Où de morte, elle devient vivante : « je suis morte plusieurs fois et chacune des fois je reviens, (…) vite je meurs, vite je reviens, (…) vite je prends le porte-voix et dis : Phoolan Devi est de retour parmi les vivants. »

Patrick Gay-Bellile

Rien n’est écrit dans les lignes
de ma main
, de Rémi Checchetto
Espaces 34, 46 pages, 13

C’était la Reine des bandits Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°266 , septembre 2025.
LMDA papier n°266
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LMDA PDF n°266
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