RUBRIQUE Entretiens
Les articles
Le vilain rêve
De l’utilité de lire Le Grand Sommeil dans la retraduction de Benoît Tadié, qui rend au premier roman de Chandler sa singularité triste et toujours frémissante.
Évidemment, on se souvient de l’adaptation d’Howard Hawks : clair-obscur au cordeau, récit au galop, érotisme incisif des dialogues Bogart/Bacall. Sauf que leur couple ne s’est jamais formé chez Raymond Chandler (où le détective Philip Marlowe repoussait toute manipulation des dames) ; que l’histoire y était beaucoup plus composite (Chandler ayant fondu l’intrigue de deux nouvelles antérieures, et se fichant assez d’une vraisemblance que le style seul se chargeait d’assurer) ; que la couleur d’ensemble du roman tirait, plutôt que vers le noir et blanc classieux consacré par la tradition,...
Un auteur
Les tragédies de poche de Quim Monzó
Dans les trente nouvelles du Pourquoi des choses, Quim Monzó poursuit sa chronique de la perversité et du vampirisme ordinaires dans la ligne de son précédent recueil Olivetti, Moulinex, Chaffoteaux et Maury.
Pour Joan Miró peinture et poésie ne faisaient qu’un. Peintre de formation, Quim Monzó, issu de la Barcelone de Mariscal, capitale de la modernité graphique espagnole depuis le début des années 80, jette comme le surréaliste catalan un pont entre écriture et peinture - « écrire et peindre, c’est la même chose ». D’abord dessinateur, la bande dessinée lui a permis un temps de conjuguer les...
Un auteur
Barry Gifford : la voix du sud
Biographie de Kerouac, Barry Gifford continue avec La Légende de Marble Lesson la construction du monde que Sailor et Lula lui avait révélé. Rencontre avec un amoureux de la Louisiane pourfendeur des Eglises.
La mort de Sailor à la fin de Rude Journée pour l’Homme-léopard semblait mettre fin au « cycle », The History of Sailor and Lula dont les six livres racontaient la vie du couple -de sa jeunesse rebelle à son heureuse maturité- et finissaient par construire une Louisiane poétique qui, La Légende de Marble Lesson l’atteste, est désormais le territoire littéraire de Gifford. A 50 ans, l’ex-...
Un auteur
Silvia Baron Supervielle : le chant d’une âme
Traductrice, entre autres, de Fernandez, Juarroz, Borges et Wilcock, l’argentine Silvie Baron Supervielle écrit en français depuis trente ans. Une oeuvre d’un dépouillement et d’une ferveur uniques.
Il n’a jamais rencontré personne. Depuis toujours il est seul et cela lui semble naturel. Pourtant, il a l’impression d’avoir connu quelqu’un, il y a très longtemps, il ne sait pas qui ni quand, peut-être était-ce en rêve : quelqu’un qui lui laissait croire qu’il lui ressemblait. » (La Frontière, Corti 1995).
Dans une écriture très dépouillée, Silvia Baron Supervielle, née à Buenos Aires en...
Un auteur
Vassilis Alexakis : croquis d’un Grec
La Langue maternelle, le roman le plus grec de Vassilis Alexakis, ressemble à un tableau impressionniste. Sur la toile : une lettre sans signification, une mère disparue, des paysages dans le brouillard. Bref, de l’impalpable, montré de main de maître.
C’est en haut d’un immeuble du XVe arrondissement de Paris. Impossible de se tromper de palier : la porte est bleue, d’ « un bleu marine très vif », une couleur que Vassilis Alexakis, comme il le raconte dans son autobiographie, Paris-Athènes, a eu du mal à trouver à Paris où se vendent de préférence des bleus ternes. On sonne. Vassilis Alexakis était en train de travailler à la version...