Rarement nouvelles d’un même recueil auront à ce point donné l’apparence d’une unité. Comme un leitmotiv pathétique, la mort vient hanter chacun des textes de Dérapages, le second recueil de nouvelles de l’Américaine Joy Williams.
On sort meurtri d’une telle lecture, ébranlé par l’acuité avec laquelle la romancière porte un jugement sur la condition humaine. Une acuité partagée, bien malgré eux, par ses personnages qui trouvent dans l’alcool un moyen fallacieux de troubler leur perception du monde.
L’errance est intérieure et mène inlassablement aux vieux démons. Ainsi, la mère de la jeune narratrice de Dérapages, la première nouvelle du recueil : « un jour, elle (la mère) m’avait dit, tu ne m’aimes plus d’amour, n’est-ce pas, et je savais qu’elle pensait à quelqu’un d’autre(…) ».
Mais le plus souvent, c’est l’avenir immédiat qui porte en lui les germes du drame, sous l’apparence d’une maladie mortelle annoncée. La mort a beau être inexorable, elle n’est vraiment présente que lorsqu’on se sait porteur d’un germe incurable.
Assommés par cette certitude de l’imminence de la fin, les victimes de Joy Williams ne se révoltent pas. Elles sont désemparées, seulement désemparées.
C’est une image de l’Amérique comme les Américains n’aiment pas la voir que nous offre la romancière.
L’image aussi d’un siècle finissant qui n’attend plus rien des ténèbres qui lui sont promises.
Dérapages
Joy Williams
traduit de l’américain
par Geneviève Doze
DeuXtemps tierce
197 pages, 100 FF
Domaine étranger Toute la détresse de l’Amérique
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°2
Un livre
Toute la détresse de l’Amérique
Le Matricule des Anges n°2
, novembre 1992.