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Histoire littéraire En passant par Jean Lorrain

novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°2 | par Frédérique Roussel

Héroïnomane, érotomane, travesti, homme de grand vice, Lorrain a scandalisé ses contemporains. La Table Ronde publie deux de ses méfaits, dont un inédit. Sulfureux.

Le Poison de la Riviera

Monsieur de Phocas

Toute déchéance, morale ou physique, de l’individu, dans une société elle-même déchue, est bonne a priori ». Pour Jean Lorrain, ce n’était pas seulement une maxime, mais un mode de vie. Il l’a mis en pratique, corps et âme, se vautrant dans le vice jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’homme s’affichait en compagnie de lutteurs de foire aux biceps tatoués, et paraissait en société horriblement fardé, paré de bijoux clinquants. Il se vantait de son homosexualité, et même de sa nécrophilie, fréquentant avec plaisir la morgue comme d’autres les salons. Qui aurait dit que le Paul Duval de Fécamps, bon élève chez les dominicains et presque tenté par le sacerdoce, à peine dégrossi à son arrivée dans la capitale, se donne finalement pour mission de scandaliser à jouissance la bonne société, sous le visage grimaçant de Jean Lorrain.
L’oeuvre a emboîté le pas à la vie mondaine. Elle donne sans peine une idée de l’individu de son vivant. Prenez Monsieur de Phocas derrière lequel se cache le duc de Fréneuse. un aristocrate décadent. Ses frasques, ses désirs luxurieux, n’ont pas étonné les contemporains de Lorrain. A tel point qu’il s’en émeut lui-même : « quand cesserai-je d ’être pour toutes ces folles et ces fous le triste Monsieur de Phocas ? », écrit-il de Nice où il s’est finalement retiré, usé par les excès de sa vie parisienne, l’abus de morphine et la syphilis. Paru en 1901, son « triste » personnage le poursuivra quand même jusqu’à sa mort prématurée cinq ans plus tard, d’un colon perforé suite à de douteuses pratiques sur sa région rectale…
L’étrange tourment du duc de Fréneuse alias Monsieur de Phocas, est celui de l’homme lassé de la débauche. Et Lorrain sait de quoi il parle : de la débauche des salons, des balcons de spectacle, entre minaudières, satrapes et artistes de peu de scrupule. Dégoûté de cette vie, le duc a, du même coup, des envies de meurtre entre réalité et hallucinations. « Oh ! mes cruelles et interminables nuits de révolté sur le rut de Paris endormi, ces nuits où j’aurais voulu étreindre tous les corps, humer tous les souffles et boire toutes les bouches, et qui me trouvaient, le matin, affalé sur le tapis et l’égratignant encore des mes mains inertes, ces inutiles mains qui n’ont jamais saisi que du vide et dont les envies de meurtre crispent encore les ongles que je finirai par enfoncer quelque jour dans la chair satinée d ’une nuque… » Le collectionneur de joyaux est harcelé jour et nuit par un regard d’émeraude où jouent les reflets de la luxure et de la mort. Portraits dépravés, homosexualité scène de fumerie, forces obscures, envoûtement font de Monsieur de Phocas un livre dérangeant et qui sent le XlXe finissant.
Cet ouvrage-culte de Jean Lorrain, avec trois autres titres, inaugure la nouvelle collection de poche de La Table Ronde La petite Vermillon.
D’Arbos, le personnage de Poison de la Riviera, présente un autre visage de Lorrain. Celui du journaliste, Sa plume vitriolée l’a rendu célèbre rapidement. Dans cette fin de siècle. il était devenu le plus grand chroniqueur de la grande presse bourgeoise au Journal et à L’Echo de Paris, distillant faits divers mondains et artistiques. Jean D’Arbos n’a rien à lui envier. Faisant la pluie et le beau temps sur son passage, il régale lecteurs et auditeurs de ragots mondains. Mais l’homme est sensible, Pour consoler un ami peintre qui vient de perdre sa bien-aimée, il le livre en pâture à une courtisane de ses amies, Viviane de Nalie. La suite est facile à deviner, Lorrain n’en pinçant pas trop pour les fins heureuses et les bonheurs mièvres…
Moins personnel que Monsieur de Phocas, moins lyrique, Le Poison de la Riviera aura un destin troublé. Le premier épisode paraît, après la mort de l’auteur, le 7 janvier 1911 dans le Courrier Français auquel il avait longtemps collaboré. Le premier feuilleton est simplement signé « Le Défunt » et le roman sort finalement un an plus tard, sous le titre Automne d’une Fille et paraphé par Georges Normandy, disciple de Lorrain. Usurpation de paternité du légataire, qui avait même effacé certains passages sans doute trop licencieux a son goût. Ce n’est qu’en 1991 que Thibault d’Antonay, biographe de Jean Lorrain, retrouve la version intégrale avec son titre original. Une super-cherie révélée, un inédit : Lorrain d’outre-tombe doit se gargariser de nous en remettre une louche en cette fin de siècle.

Le Poison de la Riviera
Monsieur de Phocas
Jean Lorrain
La Table Ronde
286p, 130 FF et 247p, 45 FF

En passant par Jean Lorrain Par Frédérique Roussel
Le Matricule des Anges n°2 , novembre 1992.