A côté de cette oeuvre, « les surréalistes ne furent que les Thermidoriens de la révolution poétique moderne », prévient d’emblée l’éditeur.
Que répondre, sinon qu’il a raison ? Le savon comme objet bienfaisant ou comme représentation de l’épiderme individuel et collectif de la Belle Époque, est-ce des bulles ou du sérieux ?
L’entreprise d’exhumation menée par Marc Angenot n’est pas mousseuse. Raconter en quatrains et en alexandrins la Troisième République, ses moeurs, ses soubresauts, ses turpitudes, mais aussi la femme, à travers un pain de lanoline, fût-il aussi parfumé, est dans son procédé un tantinet précurseur. Au départ de tout ça, sans que l’on en connaisse les raisons exactes, une flopée de « rimeurs, bénévoles et anonymes » se sont lancés en 1880 dans un vaste élan lyrique à la gloire du savon du Congo, produit par la savonnerie Vaissier frères à Roubaix. Plus de six mille poèmes égayeront les colonnes de la presse parisienne jusqu’à la fin du siècle.
Marc Angenot n’en conservera que deux cents mais le ton est donné. D’un usage publicitaire à un précis de construction poétique, cette oeuvre, par définition atomisée, va bien vite s’ériger en un courant de pensée, sorte d’hédonisme républicain allant de la glorification de l’éternel féminin aux visions satirique des anti-patriotes.
En 76 pages, le lecteur traverse toute la culture de la république des trois Jules, des alcôves soyeux et enivrants des « cocottes » au départ en catimini du général Boulanger.
Résolument drôle et parfumé
L’Oeuvre poétique
du Savon du congo
Marc Angenot
Editions des Cendres
76 pages, 120 FF
Histoire littéraire Congo mon amour, Congo mon savon
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°2
| par
Philippe Savary
Un livre
Congo mon amour, Congo mon savon
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°2
, novembre 1992.