Ceux qui ont lu le merveilleux Abécédaire de Goffredo Parise paru en 1989 (L’Arpenteur) se souviennent peut-être de la jaquette qui habillait le livre : on y voyait l’auteur dans une rue probablement new-yorkaise, le visage tourné vers l’objectif, deux énormes voitures et un magasin Howard au second plan. Photo annonciatrice du livre qui sort aujourd’hui. En 1961, Parise s’en va humer une première fois cette « odeur d’Amérique » dont il rend compte sous la forme d’une correspondance. Il a 32 ans, et dans ses yeux un montage flamboyant de films américains. Curieux de tout, il arpente les lieux, fait des rencontres, absorbe par tous ses sens. Les images de départ n’étaient pas les bonnes. New-York « ressemble à une gigantesque foire paysanne ». Le toc, la saleté sont partout. Mais tant d’autres choses aussi., dont « l’esprit décadent » de Parise est friand et qu’il qualifie souvent d’« incroyables » : une échoppe d’horloger, un gratte-ciel vide. Et surtout la beauté des putains Noires. Puis Parise quitte New-York. Ses sentiments continuent à osciller. L’ennui, la désolation qu’exhale chaque ville traversée l’angoissent. Tandis que les quartiers noirs toujours le fascinent : là seulement « passe le souffle de la vie. » Changement de ton dans la seconde partie du livre : parce qu’il s’agit d’une série d’articles destinés au Corriere della Sera, mais aussi parce que Parise revient à New-York quinze ans après son premier voyage : il a perdu en candeur ce qu’il a gagné en acuité de regard. Sans prisme idéologique, Parise décortique l’american way of life et met à nu ce qui le fonde et le perpétue. Alors l’« odeur d’Amérique », dont Parise dit que « c’est l’odeur d’une misère plus misérable que toute les autres : la consommation », tient beaucoup plus du miasme que du parfum. Et Parise n’oublie pas que cette odeur envahissante a malheureusement imprégné l’Italie.
On retrouve la même lucidité et les talents de journaliste de Goffredo Parise dans Guerres politiques, recueil de ses reportages au Viêt-nam, au Biafra, au Laos et au Chili, qui paraît simultanément.
Odeurs d’Amérique
et Guerres politiques
Goffredo Parise
traduits de l’italien par Sibylle Tibertelli
et Alix Tardieu
L’Arpenteur
157 p., 95 FF et 273 p., 150 FF
Domaine étranger Parise en Amérique
février 1994 | Le Matricule des Anges n°7
| par
Christophe Kantcheff
Des livres
Parise en Amérique
Par
Christophe Kantcheff
Le Matricule des Anges n°7
, février 1994.