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Domaine étranger Lettre ouverte à Ramón

avril 1994 | Le Matricule des Anges n°8 | par Christophe David

On imagine mal Gómez de la Serna vieillir. Lui aussi. De 1950 à 1956, l’écrivain s’écrit lui-même pour renouer avec le Ramón des années vingt.

Lettre ouverte à Ramón

« Si j’ai été souvent un explorateur, je ne me suis jamais lancé dans l’aventure pure ». En Espagne dans les années vingt, époque où il tourne autour du mouvement ultraïste (1), comme à Buenos Aires où il s’installe définitivement en 1936, Gómez de la Serna aura parcouru en tous sens la « jungle des signes ». Des textes de l’exil argentin rien n’était disponible en français avant ces Lettres à moi-même dont André Dimanche publie aujourd’hui la première traduction. Curieuse idée que celle qui consiste à écrire à soi-même ! Gómez de la Serna s’écrit des lettres parfaites - « fermées publiquement, hermétiquement ouvertes » - comme d’autres commettent des crimes parfaits. Comme les parties qu’il joue seul dans les salles de billard de Buenos Aires, elles sont truquées : « Je pourrais parier cinquante contre un, ce serait toujours le même qui gagnerait, toi, moi, moi, toi ».
Mais n’est-ce pas la loi du genre ? « Même les lettres d’amour tendent un piège ».
En une trentaine de lettres, le genre épistolaire se révèle progressivement n’être qu’ « une escroquerie, une arnaque par correspondance ». « A t’écrire, j’ai découvert les tours de la soi-disant correspondance, précaire procédé pour lancer d’artificielles confidences destinées aux autres ». Ces Lettres sont une démonstration qui vise à établir, expérimentalement, que le mensonge est la vérité du genre. « J’avais déjà des doutes sur le genre épistolaire, mais cette expérience que je traverse, en m’éloignant de toute tricherie, m’éloigne de toute lettre. »
Si cette correspondance, écrite dans la solitude de la nuit, commence par un « Cher Ramón » et se terminent par un « Je t’embrasse. Ramón », Gómez de la Serna ne s’écrit pas vraiment à lui-même : « J’ai découvert en écrivant ces lettres, que s’écrire à soi-même, c’était s’adresser à un plus jeune homme ». L’idéal serait de traverser « ensemble cette autre adolescence, jeune homme parlant à un autre jeune homme ». Mais le face à face tourne plusieurs fois au bilan. « J’ai remarqué tout de même que les pas ne laissent pas les mêmes traces que naguère. Notre empreinte est beaucoup plus légère et fugace. » « Passée la cinquantaine » (en réalité il a plus de soixante ans quand il écrit ces Lettres), Gómez de la Serna a peur d’avoir vieilli, d’avoir perdu le sens de la subversion qui animait Senos ou les Gregerias. Depuis l’Argentine du début des années cinquante, le monde lui semble soudain « rempli de l’impossibilité de penser certaines pensées » et il éprouve donc le besoin de reprendre contact avec ce jeune homme qui fut l’un des plus beaux éclairs de la tempête ultraïste (1).
En 1915, Gómez de la Serna écrivait de son livre, El Rastro, qu’il aurait fallu y intercaler tous ses autres livres « antérieurs et postérieurs ». Le Rastro (2) est la métaphore que Gómez de la Serna a choisie pour rassembler son œuvre et ces Lettres à moi-même, « matière à brocante », y trouvent place entre la boutique du marchand de seins et celle du vieux aux horloges, à côté d’une paire d’ailes blanches usagées.
Si l’œuvre argentine de Gómez de la Serna semble creuser une veine biographique et autobiographique, ces Lettres en donnent le ton. Mais s’il procède avec méthode - « Restent le monologue, l’autobiographie, le journal intime » - il ne cherche pas vraiment à détruire ces genres, seulement à les user, les fatiguer, pour pouvoir les inscrire dans son Rastro.

Christophe David

(1) L’ultraïsme est la version madrilène du futurisme.
(2)El Rastro est le nom du marché aux puces de Madrid.

Ramón Gómez de la Serna
Lettres à moi-même

traduit de l’espagnol
par Robert Amutio
André Dimanche
152 pages, 105 FF

Lettre ouverte à Ramón Par Christophe David
Le Matricule des Anges n°8 , avril 1994.