Le jeune Augustin apprend que son héros, le poète Théophile de Viau vient de sortir de la Conciergerie où ses écrits et son comportement libertin l’avaient conduit. Il décide, ému, d’aller lui rendre une visite qui marquera à jamais son existence. Nous sommes en 1626. Ou plutôt non, nous sommes dans notre vingtième siècle et nous suivons avec gourmandise le récit d’un auteur-narrateur épris autant d’histoire littéraire que de plaisirs terrestres : bons mots, bons plats, belles lettres. Avec une technique qui n’est pas sans rappeler celle utilisée par Michon dans son Rimbaud le fils, Bailly fait le va-et-vient entre ce dix-septième siècle et aujourd’hui, interrogeant ses personnages dans ce qu’ils ont d’universel : leur rapport à la création, au monde, au rêve. Alignant avec délectation un savoir de gourmet (pas de dissection universitaire), Bailly nous passe des plats au fumet savoureux jouant des mots et des anachronismes avec une réelle liberté ; ainsi le personnage de Brindefeu qui dans une joute littéraire « fait rebondir trois fois sur le plancher les vers suivants, et enchaîne par un service irréprochable ». Le roman y trouve une légèreté qui ne lui ôte en rien sa gravité, et fait d’un cours magistral une promenade sur les pavés de Paris et dans les livres rares des honnêtes hommes d’alors.
Belfond
180 pages, 89 FF
Domaine français L’Ombre de Théophile
décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°10
Un livre
L’Ombre de Théophile
Le Matricule des Anges n°10
, décembre 1994.